Physique Moderne, Essai sur l'unité des phénomènes naturels, par M. Saigey. Paris, 1867, in-18, Germer-Baillière. Bibliographie (La)
Wyrouboff prend l'exemple de la Théorie de l'éther pour répondre aux attaques de Renouvier :
« M. Renouvier trouve étrange aussi que la philosophie positive veuille abandonner les recherches du pourquoi, et affirme que le physicien, par exemple, "cherche toujours ce pourquoi et, dans certaines limites, parvient à le déterminer." Cette assertion est le résultat d'un malentendu. Il y a deux espèces de causes, et par conséquent deux manières de rechercher le pourquoi. On peut rechercher le fait matériel qui détermine la production d'un autre fait matériel, cela n'est que naturel et jamais la philosophie positive ne l'a trouvé mauvais; mais on peut aussi chercher, et c'est ce qu'ont fait les théologiens et les métaphysiciens, la cause extra-matérielle des phénomènes matériels; cela est contraire à l'esprit de toutes les sciences, et le physicien de nos jours, fort heureusement, ne le fait plus. M. Renouvier dit aussi, "que personne ne peut défendre à M. Littré de chercher à prouver l'existence de l'éther et à démontrer que les propriétés de ce corps expliquent la pesanteur des astres" cela est certain, pourvu toutefois qu'on sache que l'éther n'est qu'une hypothèse, bonne pour relier les faits connus, une conception de l'esprit, une manière d'expliquer, mais non une réalité observée ou observable. Supposons que l'existence, plus que problématique de l'éther, soit un jour démontrée, alors il devient matériel et rentre dans la catégorie des causes matérielles; dans le cas, au contraire, où rien ne nous prouvera directement sa réalité, nous n'aurons plus aucun droit de l'employer comme interprétation des phénomènes physiques. La science, et par conséquent la philosophie positive, qu'on ne voit se nourrir que de science, n'admenttent donc que les causes matérielles, et refusent de suivre ceux qui veulent demander le pourquoi de l'existence même des proprités irréductibles de la matière. » (Wyrouboff (1868), p. 470).
Braverman, Charles, Kant, philosophe français du XIXe siècle : entre science, philosophie et épistémologie, Université de Lorraine, 2017.
Wyrouboff rappelle l'exemple de l'hypothèse de l'éther pour illustrer le danger d'une transformation d'une fiction en dogme scientifique. Il met ainsi en avant la nécessité de distinguer l'hypothèse scientifique de la croyance en la réalité de l'entité inobservable qu'elle postule :
« L'hypothèse des ondulations de l'éther, après avoir provoqué d'admirables découvertes, a fini par arrêter toutes les investigations expérimentales; on s'est complu dans l'entassement de formules mathématiques qui expliquent sur le papier les phénomènes connues, sans faire connaître de phénomènes nouveaux; aussi cette partie de la science est-elle restée exactement au point où l'ont laissé e les travaux de Fresnel, d'Arago et de Biot. Tout cela n'est pas douteux et des faits de ce genre se présentent en foule; mais leur simple énoncé ne suffit pas, il faut les examiner de plus près et les interpréter. il y a dans toutes les hypothèses scientiifques deux choses très distinctes : une supposition qui permet de relier les péhnomènes observés entre eux et une croyance à la réalité de cette supposition. On imagine un fluide infiniment peu dense et ininiment élastique, on le fait onduler suivant les lois positives de la mécanique, et il se trouve qu'il explique les phénomènes lumineux; puis, peu à peu, on se persuade que ce fluide existe et que rien n'existerait sans lui. Ce sont là deux opérations différentes de l'esprit, dont la première n'entraîne pas nécessairemnt la seconde : on peut accepter l'hypotèhèse et s'en servir sans la prendre le moins du monde pour l'expression d'un fait réel. La supposition, en tant qu'introduction d'une cause possible, n'est nullement en contradiction avec l'esprit le plus rigoureusement positif; elle ne se substitue pas à l'observation, puisque, dès le principe, elle reconnaît son caractère imaginaire, elle n'a qu'une prétention, celle de présenter un procédé artificiel, mais commode pour se retrouver au milieu d'un dédale de faits dont les rapports constants sont inconnus. La confusion d'une entité et d'un phénomène naturel est, au contrarire, manifestement incompatible avec le caractère propre de la méthode scientifique; elle sape la base même du savoir objectif et constitue par conséquent un grave danger. » (Wyrouboff (1880), p. 180).