Pour Charpentier, le calcul des probabilité a fait passer Cournot des sciences mathématiques à la philosophie :
« Quand on étudie la philosophie d’un mathématicien, il ne faut jamais manquer de rechercher quelle est parmi toutes les sciences mathématiques celle qui l’a fait, pour ainsi dire, passer des mathématiques pures à la philosophie. Il s’est trouvé que pour M. Cournot cette science de transition a été le calcul des probabilités. C’est peut-être à cette circonstance que notre auteur a dû ses vues les plus fécondes et les plus originales. Ces vues se rangent sous deux chefs principaux : la théorie de la certitude et la définition du hasard. » (Charpentier (1881), pp. 498-499)
Pour Charpentier, la conception philosophique des mathématiques est le point central pour interpréter et comprendre le système philosophique de Cournot. Ce système se construit à partir d'une réflexion sur les sciences-mathématiques et leur fondement :
« Ce n’est pas l’auteur que nous étudions, c’est sa doctrine. Cette doctrine, pour être complètement connue, doit être saisie dans son principe, et ce principe consiste dans une conception sinon nouvelle au moins très élevée des mathématiques considérées dans leur nature intime et pour ainsi dire dans leur essence. Voilà donc le point qu’il faut éclaircir avant tout. L’entreprise n’est pas aisée ; mais, si nous pouvons réussir, tout le reste s’arrangera de soi-même, comme dans un tableau qui ne manquera ni d’harmonie ni de grandeur. » (Charpentier (1881), p. 495).
La science de l'ordre constitue dans cette perspective le principe fondamental des sciences-mathématiques :
« La première application de la science de l’ordre ou syntactique est la théorie des combinaisons. On a soutenu que la science de l’ordre se réduit à la théorie des combinaisons : c’est une erreur. La théorie des combinaisons n’est qu’une application de la science de l’ordre. Mais, ce qu’il faut surtout observer, c’est qu’au lieu d’être (…) une partie de l’algèbre, la théorie des combinaisons et la science de l’ordre à fortiori dominent l’algèbre tout entière. L’algèbre en effet est surtout un art de combiner un petit nombre d’opérations simples de manière à satisfaire aux conditions indiquées dans les énoncés de certaines questions. (…) Le point essentiel à retenir, c’est que toute opération discursive de l’esprit, mathématique ou logique, pour peu qu’elle soit complexe relève de cette science de l’ordre en général que nous avons nommée syntactique. Mais nous n’avons encore indiqué que la partie la moins importante de cette science ; il est temps d’arriver à un nouveau développement d’idées qui doit avoir l’influence la plus profonde sur la philosophie tout entière. L’ordre n’est pas autre chose que l’unité dans la multiplicité. Concevoir l’ordre, c’est donc concevoir comment des objets multiples forment dans leur ensemble ou dans leur distribution une unité véritable. Cela n’est possible évidemment que si l’on parvient à déterminer, à exprimer avec une complète exactitude les rapports que les objets, choses ou phénomènes conservent entre eux. L’expression du rapport ou de la loi qui unit entre elles deux quantités est ce que les mathématiciens nomment une fonction. La théorie des fonctions est donc une des parties principales de la science de l’ordre. Ainsi dans un cercle la longueur de la circonférence et celle du rayon sont deux quantités qui ont entre elles un certain rapport dépendant de la nature de la courbe exprimée par sa définition. (…) M. Cournot a consacré à la théorie des fonctions un ouvrage considérable. C’est dans cet ouvrage que sont exposés de la façon la plus complète les principes et les développements de sa philosophie mathématique. Nous ne pouvons entrer ici dans des détails qui seraient infinis ; nous devons nous borner à résumer en quelques mots tout ce qui précède : Les mathématiques sont la science de l’ordre et de la mesure ; la science de l’ordre donne naissance à deux théories principales : la théorie des combinaisons, qui contient comme développement particuliers l’arithmétique, l’algèbre, la logique ; la théorie des fonctions, qui en donnant, quand cela est possible, une expression mathématique des rapports des choses, permet de faire rentrer dans un ordre précis les objets et les phénomènes les plus variés. » (Charpentier (1881), pp. 497-498).
Afin de réfuter les démonstrations positives de Delboeuf en faveur du libre arbitre, Grocler s'appuie sur la mécanique moléculaire :
« J’ai, pour ma part, soumis à un examen attentif, sinon bien compétent, les démonstrations par lesquelles il prétend arriver à une solution positive, rigoureuse du problème ; et ayant remarqué que son argumentation, plus brillante que serrée, comporte des objections fondamentales qui en compromettent la solidité et la portée, je demanderai la permission de les exposer ici. Ma réponse sera exclusivement réservée à la réfutation des démonstrations de l’auteur, et ne sortira pas du terrain de la mécanique moléculaire, qui seule est capable de fournir les démonstrations mathématiques annoncées. » (Grocler (1882), p. 530)
Pour une étude de "La Fin de l'histoire" chez Cournot, nous renvoyons à : Martin, Thierry, « La philosophie de l'histoire de Cournot », in Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2005/1 (no 12), p. 141-162 (https://www.cairn.info/revue-histoire-des-sciences-humaines-2005-1-page-141.htm)