Wyrouboff, Grégoire Nicolaevitch (1843-1913)

Nom, Prénom

Wyrouboff, Grégoire Nicolaevitch

Naissance et décès

Études

Profession

Contributions à la Philosophie des Sciences

Sources de la notice

Etat Civil :

Grégoire Wyrouboff est né à Moscou le 14 novembre 1843. Il descend d’une famille noble russe[1]. Il est naturalisé français le 4 janvier 1887. Wyrouboff meurt à Paris le 13 décembre 1913.


Formation
 :

Après des études au Lycée Bonaparte (Lycée Condorcet aujourd’hui) à Paris de 1855 à 1857 et au Lycée Alexandre de Saint-Pétersbourg[2], il suit des études de médecine et de sciences naturelles (cristallographie et chimie) à la Faculté des sciences et à la Faculté de médecine de Saint-Pétersbourg, Berlin et Paris.

En 1864, il entre à l’École de chimie de Frémy où la chimie est enseignée non seulement du point de vue de ces « applications à l’analyse, aux sciences-naturelles et à l’agriculture (…), mais aussi dans ses rapports avec les autres sciences, telles que la physique, la minéralogie et la géologie[3] ». Wyrouboff reçoit ainsi une formation en chimie minérale (première année), en chimie organique (deuxième année) et en chimie appliquée (troisième et quatrième année). C’est en 1864, avec l’appui du directeur du Muséum national d’histoire naturelle Michel-Eugène Chevreul (1786-1889) et du directeur de l’enseignement supérieur Victor Duruy (1811-1894), que le chimiste Edmond Frémy (1819-1844) fonde le premier laboratoire public français d’enseignement et de recherche gratuit de chimie pratique au Muséum national d’histoire naturelle. L’École fonctionne de 1864 à 1892, date à laquelle Frémy est mis à la retraite[4].

En 1886, Wyrouboff obtient le doctorat ès sciences-physiques à la Faculté des sciences de Paris (1ère thèse : Recherches sur la structure des corps cristallisés doués du pouvoir rotatoire ; 2ème thèse : Recherches sur la composition et la forme de quelques nouveaux tartrates).


Carrière scientifique
 :

Wyrouboff débute sa carrière scientifique à partir des années 1870 au sein de l’École de chimie de Frémy. Il mène plusieurs travaux en cristallographie et chimie. De 1866 à 1908, il publie ses travaux dans le Bulletin de la Société chimique de France, les Annales de Chimie-physique, le Bulletin des Sociétés des Naturalistes de Moscou, le Bulletin de la Société de Minéralogie, les Comptes-Rendus de l’Académie des Sciences[5]. En 1889, il publie un Manuel pratique de cristallographie (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k91951f.texteImage). Wyrouboff est membre de la Société Française de minéralogie et de la Société chimique de France.

Du 15 novembre 1893 au 21 février 1894, il donne des conférences au laboratoire de Charles Friedel (1832-1899) à la Faculté des sciences de Paris[6].

En 1901, suite à la fermeture de l’École de Frémy, la Sorbonne lui prête gracieusement un laboratoire personnel où il poursuit ses travaux jusqu’en 1908.

En 1903, Wyrouboff est nommé titulaire de la chaire d’histoire générale des sciences du Collège de France. Il occupe cette chaire jusqu’à sa mort en 1913[7]. Cette nomination a suscité plusieurs polémiques. Fondée en 1892, la chaire d’histoire des sciences est occupée par le positiviste Pierre Laffitte (1823-1903). À la mort de ce dernier en 1903, la chaire est mise au concours. L’ingénieur et historien des sciences Paul Tannery (1843-1904) est le candidat favori pour succéder à Laffitte. Il est placé premier par l’ensemble des professeurs du Collège de France et de l’Académie des sciences. Cependant, le Ministre de l’Instruction publique, par arrêté ministérielle en date du 20 décembre 1903, désigne Wyrouboff comme titulaire de la chaire. Pour une présentation et analyse historiographiques des polémiques suscitées par la titularisation de Wyrouboff, nous renvoyons le lecteur à Sarton (1947), Petit (1995) et Paul (1976) et Pineau (2010).
Les cours professés par Wyrouboff au Collège de France[8] portent principalement sur l’histoire des sciences physiques et chimiques[9].


Engagements sociaux, civiques et politiques :

En 1870, pendant le siège de Paris, il est incorporé dans l’ambulance de la Presse. Il est en charge du service hospitalier. En récompense de sa collaboration à la défense nationale, il reçoit la croix de chevalier de la légion d’honneur (1873).

En 1875, il est reçu, avec Émile Littré (1801-1881) et Jules Ferry (1832-1893), par le Grand Orient de France (loge « La Clémente Amitié ») et devient franc-maçon.

En 1877, lors de la guerre turco-russe, il est médecin-chef d’une grande ambulance dans la région frontière en face de Kars (Caucase). Il est décoré de l’ordre de Saint-Vladimir.


Activité philosophique et éditoriale en philosophie des sciences :

C’est par l’intermédiaire du philosophe positiviste Louis Edmond Pommier (1812- 1 ???)[10], alors professeur titulaire de la chaire de littérature française au Lycée Impérial Alexandre de Saint-Pétersbourg depuis 1859, que Wyrouboff s’initie au positivisme. C’est ainsi à travers une leçon sur le mouvement des idées dans la France contemporaine que « Wyrouboff reçoit non seulement une doctrine, le positivisme dans sa version « incomplète », antireligieuse et républicaine, mais aussi un réseau de relations au sein duquel il évoluera toute sa vie : par son professeur de littérature, il a eu accès à Littré, qu’il rencontre dès 1862, ainsi qu’à Madame Comte, qui le poussera plus tard, (…) à s’engager dans l’aventure de la revue La Philosophie positive, et enfin à tous les cercles de pouvoir des quarante premières années de la troisième République » (Clauzade (2016), pp. 299-300).

En 1862, jouissant d’une grande fortune personnelle, Wyrouboff propose à Madame Comte de subventionner la réimpression du Cours de Philosophie positive d’Auguste Comte (1798-1857). En 1867, en collaboration avec Littré, il participe à la fondation, au financement et au fonctionnement de la revue La Philosophie Positive. En 1872, il participe à la fondation de la première Société de sociologie[11] dont l’objectif premier est une étude scientifique des problèmes sociaux et politiques[12].

L’activité éditoriale en philosophie des sciences de Wyrouboff débute en 1867 et cesse en 1883. Elle se déploie exclusivement dans la revue La Philosophie Positive. Elle se compose de 11 articles de fond et 8 recensions. Elle représente ainsi 12% de la production totale de l'auteur dans le périodique[13].

  • 4 Articles de fond et 1 recension sont consacrés à une présentation et défense des principes et méthodes fondamentales du système positiviste (Wyrouboff (1867)Wyrouboff (1868)Wyrouboff (1870)Wyrouboff (1879)Wyrouboff (1883)).
  • 3 Articles de fond portent sur l’actualité scientifique liée à la géologie (Wyrouboff (1867)) et à la minéralogie (Wyrouboff (1869)Wyrouboff (1876)). Ces sciences sont abordées à partir de la classification positivistes des sciences. L'objectif principal de l'auteur est de fixer la place qu'occupent la géologie et la minéralogie dans la série hiéarchique des sciences. Une étude similaire est réalisée par Wyrouboff (1870) sur la statistique et ses méthodes. En donnant une définition rationnelle et positive de la statistique et de ses méthodes, le Chimite-Philosophe est conduit à condamner l'utilisation du calcul des probabilités dans l'étude des phénomènes sociaux.
  • 3 Articles de fond et 1 recension sont dédiés à l’actualité scientifique liées aux sciences physiques et chimiques. La théorie de l’éther (Wyrouboff (1867)Wyrouboff (1868)Wyrouboff (1880)) et l’atomisme (Wyrouboff (1879)Wyrouboff (1880)) sont principalement examinés à partir de la théorie positiviste des hypothèses scientifiques. L'enjeu de ces interventions est de déterminer la nature, la valeur et la légitimité des hypothèses scientifiques. 


En 1867, dans le deuxième numéro du périodique, Wyrouboff (1867) publie un article programmatique dans lequel il expose le principe fondamental du positivisme[14] à partir duquel son activité éditoriale et épistémologique s’articule. Faisant suite à l’article programmatique de Littré (1867) publié dans la première livraison de la revue et consacré à l’exposé de la méthode, de la doctrine et des conséquences du système positiviste, l’intervention du Chimiste-Philosophe propose une interprétation scientiste et phénoméniste extrêmement strict de la philosophie comtienne. Ce positivisme hétérodoxe qui structure d’un point de vue théorique le périodique s’oppose à la religion positiviste et à la méthode subjective développées par Comte dans le Système de Politique positive et entretenues par Laffitte et les collaborateurs de La Revue occidentale (Clauzade (2016). L’interprétation scientiste et phénoméniste du positivisme constitue le schème conceptuel et le cadre théorique[15] au sein duquel Wyrouboff mène un travail éditorial et une activité épistémologique de médiation scientifique. C’est à travers ce travail que l'auteur vise à fournir aux lecteurs les principes positivistes permettant non seulement de s’affranchir des recherches ontologiques et d’éliminer des sciences positives toute forme résiduelle de métaphysique, mais aussi de lutter contre la spécialisation exagérée du travail scientifique.


Les analyses épistémologiques dédiées aux théories physiques et chimiques conduisent Wyrouboff (1880) à abandonner l’interprétation conservatrice et phénoméniste de la méthodologie positiviste des sciences selon laquelle les hypothèses portant sur des entités inobservables sont des conceptions métaphysiques devant être éliminées des connaissances positives au profit de recherches exclusivement limitées aux propriétés phénoménales de la matière[16]. L'auteur systématise alors une forme libérale de positivisme que nous pouvons qualifier de positivisme fictionaliste. Dans cette forme de positivisme, les hypothèses portant sur des entités inobservables sont des fictions légitimes théoriquement et empiriquement fécondes n'ayant aucune valeur ontologique[17]


Source

- Charle, Christophe, Telkès, Eva (1988). 91. Wyrouboff (Grégoire, Nicolas), in Charle Christophe, Telles Eva, Les professeurs du Collège de France - Dictionnaire biographie 1901-1939, Paris : Institu. National de recherche pédagogique, 1988, pp. 242-243. (http://www.persee.fr/doc/inrp_0298-5632_1988_ant_3_1_6170)

- Clauzade, Laurent (2016), « Grégoire Wybouroff : Penser la Russie. Essais de sociologie positive appliquée ? », in Archives de Philosophie, t. 79, 2016, pp. 297-316.

- Copaux, Hippolyte (1913), « Notice sur la vie et les travaux de Grégoire Wybouroff (1843-1913) », in Bulletin de la société chimique de France, t.15, Paris, 1913, pp. 1-21. (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k282050k/f726.image)

- Heilbron, Johan (2007), « Sociologie et positivisme en France au XIXe siècle : les vicissitudes de la Société de sociologie (1872-1874) », in Revue française de sociologie, 2007/2 (Vol. 48), pp. 307-331. (https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2007-2-page-307.htm)

- Jourdy, Émile (1914), « Wyrouboff, sa vie, son œuvre », in Revue scientifique, 1914, pp. 14-19. (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k215160c/f18.image)

- Kersaint, Georges (1964), « L’École de chimie de Frémy », in Revue d’histoire de la pharmacie, 1964, pp. 165-172. (http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1964_num_52_183_8236)

- Paul, Harry W (1976), « Scholarship and ideology : The chair of the general history of science at the Collège de France, 1892-1913 », in Isis, 1976, pp. 376-397.

- Petit, Annie (1995), « L’héritage du positivisme dans la création de la chaire d’histoire générale des sciences au Collège de France », in Revue d’histoire des sciences, t. 48, 1995, pp. 521-556. (http://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1995_num_48_4_1241)

- Pineau, François (2010), Historiographie de Paul Tannery et réceptions de son oeuvre : sur l’invention du métier d’historien des sciences, Université de Nantes, 2010. (https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00726388/)

- Sarton, Georges (1947), « Paul, Jules, and Marie Tannery (With a Note on Grégoire Wyrouboff) », in Isis, Vol. 38, 1947, pp. 33-51.

- Schnitter, Claude (1996), « Le développement du Muséum national d’histoire naturelle de Paris au cours de la seconde moitié du XIX siècle : « se transformer ou périr » », in Revue d’histoire des sciences, t. 49, 1996, pp. 53-98. (http://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1996_num_49_1_1248)

- Semlali, Yusef (2005), « Eugène de Roberty (1843-1915). Une page peu connue de l’histoire de la sociologie », 22 pages, 2005. (https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00003964/document)

- Wallerant, Frédéric, « Wyrouboff », in La nature, n°2119, p. 94. (http://sciences.gloubik.info/spip.php?article716)

- Wallerant, Frédéric (1914), « Wyrouboff (1843-1913) », in Bulletin de la Société française de minéralogie, t. 37, 1914, Paris, pp. 44-58. (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1090134/f60.image)

 


[1]           Wyrouboff est Conte (Yusef (2005)).

[2]           École privilégiée de la noblesse, où l’on enseigne à la fois les sciences, les lettres et le droit (Copaux (1913), p. II).

[3]           Kersaint (1964).

[4]           Pour une présentation historiographique de l’École de Frémy, nous renvoyons le lecteur à Kersaint (1964) et Schnitter (1996).

[5]           Pour une présentation des travaux scientifiques de Wyrouboff, nous renvoyons le lecteur à Copaux (1913) et Wallerant (1914).

[6]        « Sur la nature des phénomènes de polymorphisme et d’isomorphisme » (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5462541w/f10.image)

[7]           Du fait de la maladie de Wyrouboff, le Collège de France a fait parfois appel à un suppléant. Le docteur Léonce Manouvrier (1850-1927) remplaça ainsi le Chimiste-Philosophe à plusieurs reprises et professa des cours sur les sciences inorganiques (« Constitution de la psychologie, de l’anthropologie, de la sociologie, et leurs rapports suivant le plan général de la classification d’Auguste Comte », premier semestre de 1909-1910).

[8]           Les cours sont conservés dans le fond Grégoire Wyrouboff et déposés à l’IMEC.

[9]           Liste des intitulés des cours professés par Wyrouboff : « Histoire moderne des sciences physico-chimiques » (1903-1904), « Histoire des théories sur la structure de la matière. Évolution générale des sciences physico-chimique » (1903-1904), « Histoire de la géologie et de la minéralogie » (1905-1906), « Histoire de la chimie » (1906-1907), « Histoire de la physique depuis les premières tentatives d’Aristote jusqu’à nos jours » (1907-1908), « Tableau général du développement des connaissances positives sur la nature depuis les faits les plus simples que nous donnent les mathématiques jusqu'aux phénomènes si complets de la vie » (1908-1909), « Histoire de la Chimie depuis Lavoisier » (1909-1911), « Évolution des théories géologiques » (1910-1911), « Étude critique des théories générales de la physique depuis les premières généralisations de Galilée jusqu'aux conceptions aussi ingénieuses qu'hypothétiques de la physique moderne » (1911-1912), « Histoire des hypothèses cosmogoniques et des théories géologiques » (1913-1914). Le cours sur l’histoire des hypothèses cosmogoniques n’a jamais eu lieu.

[10]          Pommier adhère en 1848 à la société positiviste fondée par Comte. À l’instar de Littré, Pommier rejette le positivisme religieux. Il contribue au dictionnaire de Littré.

[11]          Parmi les 26 membres fondateurs, 3 ont une activité dans le champ de la philosophie des sciences au sein de La Philosophie positive : Louis André (1838-1913), Littré, Stupuy Hippolyte (1832-1900). La première séance de la Société ainsi que son règlement et ses membres sont publiés dans Littré, Émile, « Fondation d'une Société de Sociologie », in La Philosophie positive, t. 8, 1872.(http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77879k/f299.image)

[12]          Pour une étude historiographique et prosopographique de la Société, nous renvoyons le lecteur à Heibron (2007).

[13]          Wyrouboff totalise 155 interventions dans La Philosophie positive (articles, notes, commentaires, recensions, lettres). Heilbron (2007), p. 316. Les articles de Wyrouboff consacrés à la philosophie des sciences représentent donc une part assez faible de sa production dans La Philosophie positive. Ce dernier va principalement s'illustrer dans le domaine de la sociologie appliquée. Pour une analyse de la production du chimsite-philosophe dans ce domaine, nous renvoyons le lecteur à Clauzade (2016).

[14]          Selon ce principe, les propriétés phénoménales de la matière, ordonnées par des lois scientifiques, constituent la réalité empirique, seul lieu possible d’une véritable connaissance positive.

[15]         Wyrouboff reviendra sur les principes fondamentaux du positivisme afin de dénoncer les confusions conceptuelles, méthodologiques et théoriques des entreprises qui visent à concilier les sciences, la métaphysique et la théologie (Wyrouboff (1870)Wyrouboff (1883)), de faire la preuve que le positivisme n’est pas un matérialisme (Wyrouboff (1879)), de défendre le positivisme contre les attaques formulées par les néo-criticistes Charles Renouvier (1815-1903) et François Pillon (1830-1914) (Wyrouboff (1868)).

[16]          « (Les Hypothèses) ont toujours été considérées comme indispensables. Elles ne sont donc pas des produits accidentels de tel ou tel état des esprits, de telle ou telle doctrine régnante, elles nous apparaissent comme intimement liées au développement des recherches scientifiques, comme inséparables des destinées de la science (…). Cette conclusion, fort légitime pourtant, peut provoquer une objection et une objection très sérieuse. On peut dire que les esprits ne sont pas arrivés encore, dans l’immense majorité des cas du moins, à l’état pleinement positif, qu’ils continuent à se laisser bercer par les illusions des causes finales envisagées à un point de vue spiritualiste ou à un point de vue matérialiste ; que, parvenus à la phase strictement scientifique, ils rejetteront définitivement les derniers vestiges des conceptions métaphysiques et ne chercheront plus d’interprétations en dehors de la phénoménalité. C’est là une opinion soutenue par un certain nombre de penseurs se rattachant à l’école positive, une opinion que j’ai longtemps acceptée dans sa forme la plus absolue. Un examen attentif démontre que l’objection peut et doit être écartée. L’hypothèse scientifique (…) est le produit d'un état donné de la science, de l'ensemble de ses faits, de ses lois, de ses théories; elle est une sorte de conclusion suprême de toutes nos connaissances exactes sur un groupe entier de phénomènes naturels. (...) Plusieurs sciences sont arrivées à leur pleine maturité, à une positivité aussi satisfaisante que possible, pourtant elles possèdent toutes des hypothèses pénibement élaborées et qu'elles conservent précieusement. Il me suffira de citer la physique, une science inférieure, par conséquent simple, une science relativement ancienne, extraordinairement riche en faits exacts, en lois précises et directement vérifiables; elle renferme deux grandes hypothèses qui sont des types du genre et dont l'une, née d'hier, se développe, s'accroît tous les jours. (...) Il n'est donc nullement exact de dire que les hypothèses correspondent à la période métaphysique de la science, qu'elles représentent les derniers reste de la méthode à priori; elles coexistent avec les doctrines les plus positives sans les gêner et sans en être aucunement gênées. (...) La plupart des hypothèses scientifiques ont été très fécondes en résultats, elles ont inspiré et dirigé un grand nombre de travaux considérables, et cela dans les parties les plus délicates, les moins accessibles de la science. Comment eussent-elles pu aboutir, d'une façon si constante et si directe à des lois scientifiques, si elles n'étaient qu'une manifestation de la méthode métaphysique ? Cela nous est une preuve de plus qu'elles font corps aevec la science et qu'il n'est nul besoin de les en exclure.» Wyrouboff (1880), pp. 178-179.

[17]          Les scientifiques doivent ainsi respecter le code d’honneur fictionnaliste des positivistes.