Douzième commandement et l'abus de la géométrie en Philosophie (Le)

Titre

Douzième commandement et l'abus de la géométrie en Philosophie (Le)

Année de publication

Périodique de publication

Volume

21

Pagination

326-335

Type d'intervention

Champ Scientifique

Théorie scientifique examinée

Thèse - Objectif :

Dénoncer l’utilisation abusive et imprécise de la géométrie en philosophie (prendre les postulats d’Euclide pour des axiomes nécessaires, regarder l’existence du plan comme évidente…)

Montrer que les philosophes ne maîtrisent pas forcément les exemples géométriques (définitions, principes, théorèmes…)

Présenter les trois systèmes de géométrie possibles, les difficultés et subtilités théoriques qu’ils soulèvent et les raisons pour lesquelles il ne faut pas nécessairement les introduire dans l’enseignement philosophique

Donner des exemples tirés de l’Arithmétique susceptibles de remplacer avantageusement en philosophie les exemples tirés habituellement de la géométrie

Montrer la nécessité, pour les philosophes, de respecter le douzième commandement : « tu n’enseigneras pas ce que tu ne comprends pas »

Acculturation

Oui

Commentaire acculturation

Mansion présente les principes des trois géométries possibles et de la géométrie physique

Référence bibliographique

  • Euclide

  • Legendre

  • Bossuet, Logique, 1857

  • Du Rousseaux, « Le Néo-dogmatisme », in Revue néo-scolastique, 1911

  • P. E. A. De Poulpiquet Objet intégral de l’apologétique, 1912

  • P. Garrigou-Lagrange, Le sens commun, la philosophie de l’être et les formules dogmatiques, Paris, 1909

  • Leibniz

  • Cauchy

  • De Tilly

  • Kant

  • Saint-Augustin

  • Faustus

  • Chwolson, Hegel, Haeckel, Kossuth un das zwölfte Gebot, 1906

  • Haeckel

Commentaire référence bibliographique
  • Mansion illustre l’utilisation abusive et erronée des exemples géométriques en philosophie à partir des ouvrages de Bossuet, Du Rousseaux, Garrigou-Lagrange et De Poulpiquet : 

    « Depuis Aristote jusqu’à nos jours, le philosophes ont l’habitude d’introduire dans leurs spéculations des exemples tirés de la géométrie, probablement parce qu’ils trouvent les idées et les raisonnements géométriques plus faciles à saisir que les autres. Cette coutume ne va pas sans inconvénient : la définition précise des notions fondamentales de la géométrie est, en réalité, très difficile et les démonstrations des théorèmes les plus célèbres, de ceux qui sont les plus connus, n’est pas aussi simple qu’on le croit communément. Les philosophes qui ne sont pas en même temps mathématiciens comme Descartes ou Leibniz, ne supposent pas, il est vrai, chez leurs lecteurs, des connaissances étendues en géométrie : ils se contentent de cite des définitions et des propositions empruntées à la première moitié du premier des huit livres géométriques d’Euclide ou de Legendre. On dirait qu’ils ne supposent pas que leurs lecteurs connaissent autre chose en géométrie, bien que l’on trouve dans les autres livres des exemples plus simples à introduire en philosophie. (….) En résumé, en laissant de côté la définition du triangle, et peut-être celle des parallèles, on ne trouve dans les exemples cités que des propositions relatives à ce qu’ily a de plus épineux dans le premier livre des Éléments, savoir les postulats de la théorie des parallèles et la question de la somme des angles d’un triangle qui en dépend essentiellement. » (Mansion (1914), pp. 326-329)

  • Mansion montre que Kant s’est trompé en pensant que 7 + 5 = 12 était un jugement synthétique a priori :

    « Faute d’avoir médité sur cette démonstration de Leibniz, Kant a pensé que 7 + 5 = 12 et les milliards d’additions que les hommes font chaque jour sont des jugements synthétiques a priori. Au moyen de la définition précise de Grassmann pour l’addition d’un nombre à un autre, savoir a + (b + 1) = (a + b) + 1, définition identique au fond à celle de Leibniz, on refait aisément le raisonnement où Kant s’est embourbé pour son malheur et celui de ses dévots. » (Mansion (1914), p. 334)

  • Mansion renvoie aux travaux de Leibniz, Cauchy, et De Tilly sur la définition du plan. Il montre la difficulté pour les philosophes d'appréhender ces travaux et de les utiliser en philosophie :


    « Quand on va au fond des choses, on rencontre des difficultés dans beaucoup de ces démonstrations géométriques parce qu’elles présupposent presque toutes que l’on ait établi la possibilité du plan. Leibniz, Cauchy, De Tilly l’ont fait : ils ont prouvé que l’on peut concevoir cette surface, le plan, qui contient toutes les droites qui passent par deux de ses points ; ils ont en même temps élucidé les concepts de droite et d’espace à trois ou à un nombre plus grand de dimensions. Mais les considérations qui les ont conduits à ces résultats si importants de philosophie mathématique sont trop subtiles pour qu’on puisse les introduire dans les Éléments. Il est presque certain que les futurs élèves en philosophie, sinon leurs maîtres, ignoreront ces subtilités. Si les maîtres introduisent des théorèmes de géométrie générale dans leurs spéculations métaphysiques, les élèves risquent de les comprendre dans un sens abaissé, un peu comme les exercices d’intuition au moyen desquels on arrête le développement de l’intelligence des enfants soumis à l’abaissante discipline pestalozzienne. » (Mansion (1912), pp. 332-333)
  • Mansion rappelle les raisons pour lesquelles Saint-Augustin s’est dépris du manichéisme de Faustus :

    « Il y a quinze siècles, saint Augustin, après avoir été partisan du manichéisme pendant neuf ans, s’est dépris de cette doctrine décevante, parce que le grand évêque de la secte, Faustus, ignorait complètement l’astronomie scientifique et admettait, dans sa doctrine religieuse, une astronomie imaginaire. Comment Faustus peut-il enseigner à ses fidèles le chemin du ciel (moral), s’il ignore comment va le ciel (physique), peut-on se demander en imitant un jeu de mots de saint Augustin ; » (Mansion (1912), p. 334)

  • Mansion renvoie à l’ouvrage de Chwolson pour illustrer la violation du douzième cmmandement par Haeckel

    « M. Chwolson, dans sa célèbre brochure (…) a montré que M. Haeckel a parlé du principe de la dégradation de l’énergie sans y rien entendre. Quiconque a lu cette brochure croit difficilement à la compétence de M. Haeckel même en biologie, parce qu’il a violé trop fort le douzième commandement : tu n’enseigneras pas ce que tu ne comprends pas. » (Mansion (1912), p. 334)

     

Intervention citée

Non

Intervention discutée

Non

URL

www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1914_num_21_83_2219

Fiche complète

Oui

Créateur de la fiche

Greber, Jules-henri

Le douzième commandement et l'abus de la géométrie en Philosophie est le quatrième article de fond publié par Mansion dans la Revue néo-scolastique. Publié en 1912, l'intervention a pour objectif de dénoncer l’utilisation abusive et imprécise de la géométrie en philosophie, de donner des exemples tirés de l’Arithmétique susceptibles de remplacer avantageusement en philosophie les exemples tirés habituellement de la géométrie[1], et de montrer la nécessité, pour les philosophes, de respecter le douzième commandement : « tu n’enseigneras pas ce que tu ne comprends pas[2]»

[1]         « Il y a, en arithmétique élémentaire et en arithmétique supérieure, beaucoup de théorèmes simples dans leur énoncé, plus ou moins faciles à démontrer, que l’on peut introduire en philosophie comme exemples de propositions nécessaires, par exemple, ceux-ci : on peut intervertir l’ordre des facteurs dans un produit ; à partir de cinq, tous les nombres premiers sont des multiples de six, plus ou moins un ; la suite des nombres premier est illimitée ; un nombre ne peut être décomposé que d’une manière en ses facteurs premiers ; tout nombre est un carré, ou la somme de deux carrés, ou la somme de trois carrés, ou la somme de quatre carrés. » (Mansion (1912), p. 333)

[2]         « Les philosophes modernes les plus avisés, je veux dire les néo-aristotéliciens thomistes, doivent donc avoir le douzième commandement présent à leur pensée quand ils introduisent la géométrie, la mécanique, la physique, dans leur théorie de la connaissance. S’ils le violent, s’ils prennent, par exemple, les postulats d’Euclide pour des axiomes nécessaires s’ils regardent l’existence du plan comme évidente, ils doivent craindre que les géomètres ne disent : comment ces philosophes peuvent-ils nous enseigner les vraies voies de la connaissance métaphysique ? ils ne savent pas celles de la connaissance mathématique, plus accessibles et moins ardues. » (Mansion (1912), p. 335)