L'Hypothèse scientifique

Titre

L'Hypothèse scientifique

Statut

Année de publication

Périodique de publication

Volume

6

Pagination

242-258

Type d'intervention

Thèse - Objectif :

Examiner et déterminer l’origine, la nature et la valeur dialectique des hypothèses causales

Montrer que les hypothèses causales ont une existence transitoire, qu’elles ne sont jamais prouvées (elles ne sont pas vraies ; elles ne sont pas fausses), que ce sont des avantages et justifications psychologiques qui déterminent le maintien ou le rejet de ces hypothèses (elles sont bonnes ou mauvaises, utiles ou encombrantes)

Acculturation

Non

École philosophique

Néo-Thomisme

Référence bibliographique

  • Naville, Ernest, La Logique de l’Hypothèse, Paris, Alcan

  • Fowler, Thomas, Éléments de logique

  • Fowler, Thomas, « The ethics of intellectual life », in International Journal of Ethics, 1899

  • Bernard, Claude, Introduction à l’étude de la Médecine expérimentale

  • Reid, Essais sur les facultés de l’esprit humaine

  • Du Bois-Reymond

  • Claus, Éléments de Zoologie

  • Schopenhauer

  • Ribot, Les maladies de la mémoire

  • Mill, Mes mémoires

  • Carlyle, Sartor Resartus

  • De Freycinet, Essais sur la Philosophie des Sciences

  • Ostwald, Abrégé de Chimie générale

  • Quetelet, Astronomie

  • Saint-Thomas d’Aquin, De Coelo et Mundo

Commentaire référence bibliographique
  • De Munnynck reconnaît à Naville d’avoir mis en lumière l’importance de l’hypothèse dans la méthodologie scientifique :

    « Longtemps la « Logique de l’Hypothèse » est restée à l’état fragmentaire. De vagues indications, des vues incomplètes, des traites, lumineux parfois mais toujours isolés, voilà tout ce qu’on possédait sur cet intéressant chapitre de la logique. M. Naville a le mérite d’avoir mis en lumière l’importance primordiale du sujet, d’avoir réuni en un ensemble méthodique tous les aperçus exacts que ses prédécesseurs avaient éparpillés dans leurs écrits, et de les avoir augmentés d’idées personnelles, dont il est impossible de méconnaître la clarté et la haute valeur. Aussi paraît-il probable que longtemps encore, tout travail sur la même question, à moins de se condamner d’avance à faire double emploi, devra prendre pour base le beau livre du philosophe suisse. Personne ne l’ignore, la thèse fondamentale de cet ouvrage est l’universalité d’un certain processus logique à suivre pour les nouvelles conquêtes de l’esprit. Toujours, dans toutes les découvertes, on commence par supposer ce qu’on ne vérifie que dans la suite. » (De Munnynck (1899), p. 242).

    De Munnynck reproche à Naville d'avoir donné de l'hypothèse une définition très (trop) large :

    « Cependant, pour donner cette forme très universelle à sa conclusion, M. Naville a dû donner de l’hypothèse une définition très large. C’est son droit, puisqu’il ne manque pas d’avertir le lecteur, et que ses explications sont des modèles de clarté ; mais au point de vue spécial où nous nous plaçons, nous devons resserrer le champ de la question. » (De Munnynck (1899), p. 243)

  • De Munnynck renvoie aux études de Fowler pour montrer que l’importance des hypothèses ne s’est pas encore imposée à toutes les intelligences :

    « Cette idée (« toujours, dans toutes les découvertes, on commence par supposer ce qu’on ne vérifie que dans la suite ») ne s’est pas encore imposée à toutes les intelligences. Le Rév. Thomas Fowler, vice-chancelier de l’Université d’Oxford, dont les Éléments de Logique sont très répandus en Angleterre, a fait un grief aux savants de se contenter dans leurs leçons et leurs écrits, d’établir quelque conclusion préconçue (…). On comprend quel abus le docteur Fowler veut ici combattre ; mais au moins l’expression de son idée semble malheureuse. Ce qu’il considère comme une violation de la loi morale appartient, suivant M. Naville, à l’essence même du travail intellectuel. » (De Munnynck (1899), p. 242)

  • De Munnynck renvoie à Claude Bernard et Reid pour illustrer le fait que l’histoire des sciences n’est que la nécropole des idées défuntes :

    « Claude Bernard semble avoir eu devant les yeux ce sort commun de toutes les hypothèses antérieures, et l’avoir accepté pour les siennes propres avec résignation, lorsqu’il écrit : « Quand nous faisons une théoire générale dans nos sciences, la seule chose dont nous syons certains, c’est que toutes ces théories sont fausses, absolument parlant. ». Raid l’a d’ailleurs constaté depuis longtemps : « De toutes les découvertes anatomiques et physiologiques, pas une n’st due à uen conjecture… on peut en dire autant de toutes les parties de la création que l’esprit humaoin a étudiées avec quelque succès. Partout les découvertes ont été le fruit d’une observation patiente, d’un grand nombre d’expériences exactes et des conséquences légitimes qui en ont été déduites ; toujours elles ont démenti, jamais elles n’ont justifié les théories et les hypothèses que des esprits subtils avaient imaginées. » (De Munnynck (1899), p. 245)

  • De Munnynck renvoie à Quetelet, Ostwald et Saint-Thomas d’Aquine pour illustrer le fait qu’une hypothèse causale est bonne ou mauvaise, utile ou encombrante :

    « Concluons qu’une hypothèse causale n’est jamais prouvée dans le sens propre du mot. Elle n’est pas vraie ; elle n’est pas fausse ; elle est tout simplement bonne ou mauvaise, utile ou encombrante, suivant des circonstances, que nous aurons bientôt l’occasion d’étudier. Bien que cette vérité ait été souvent méconnue, elle est cependant si claire que, sans étude spéciale, elle s’est pour ainsi dire imposée, au moins d’une manière vague et générale, à quelques esprits clairvoyants. Quetelet écrit dans son « Astronomie » : « Les systèmes aujourd’hui ne sont considérés que comme des moyens de classer les faits, et l’on ne juge de leur importance que par l’exactitude avec laquelle ils représentent les résultats de l’observation, lorsqu’on les soumet au calcul. » Parmi tous les modernes, W. Ostwald paraît avoir sur ce point les idées les plus claires, les convictions les plus arrêtées. « On appelle ces images intuitives de faits abstraits, des hypothèses. Elles ne peuvent se présenter avec un degré de vérité égal à celui des lois abstraites… Il arrive souvent dans l’histoire des sciences qu’une pareille image, après avoir représenté un certain nombre de lois, doit être abandonnée parce que des lois nouvelles sont en désaccord avec elle. Il faut alors chercher une autre image ; on dit que l’ancienne hypothèse est fausse, mais cela n’est pas absolument correct, une hypothèse ne pouvant pas plus être réfutée que démontrée. » Enfin, un texte de saint Thomas montre que le docteur angélique était loin de se faire illusion à ce sujet : « les suppositions des astrologues, dit-il, ne sont pas nécessairement vraies. Il ne faut pas mêmes les considérer comme telles, lorsqu’elles expliquent les faits observés ; car il existe peut-être une autre explication également satisfaisante, mais encore inconnue. ». » (De Munnynck (1899), p. 255)

Intervention citée

Non

Intervention discutée

Non

URL

www.persee.fr/doc/phlou_0776-5541_1899_num_6_23_1662

Fiche complète

Oui

Créateur de la fiche

Greber, Jules-henri

L'Hypothèse scientifique est le deuxième article de fond en philosophie des sciences publié par De Munnynck dans la Revue néo-scolastique. Parue en 1899, l'intervention a pour objectif d'examiner l’origine, la nature et la valeur dialectique des hypothèses causales[1]. L’auteur cherche ainsi à expliquer les faits suivant : 1° toutes les hypothèses causales finissent par disparaître de la science (Ces hypothèses ne sont pas infaillibles. Elles disparaissent au cours de l'histoire de la science[2].) ; 2° les hommes de science se mettent rarement d’accord sur une hypothèse de quelque importance (aucun consensus n'est possible autour des hypothèses conjecturales[3]. Aucune n'a jamais rallié tous ceux qui étaient appelés à l'examiner. « Les hommes de science se mettent rarement d'accord sur une hypothèse de quelque importance.[4] ») ; 3° enfin les logiciens eux-mêmes semblent ne pas pouvoir expliquer l’adhésion donnée à certaines théories nullement vérifiées (Les scientifiques, tout en reconnaissant l'incertitude des conjectures, leur accordent un assentiment quasi absolu[5]. On ne semble pas pouvoir expliquer logiquement l'adhésion que donnent les savants à des théories nullement vérifiées. Il convient de se méfier des habitudes et de ne pas considérer les hypothèses comme des axiomes[6].) L’étude de ces faits conduit De Munnynck à conclure « qu'une hypothèse causale n'est jamais prouvée dans le sens propre du mot. Elle n'est pas vraie; elle n'est pas fausse; elle est tout simplement bonne ou mauvaise, utile ou encombrante.[7] »

[1]         De Munnynck établit trois catégories d’hypothèses : Les suppositions directement observables (« Certaines suppositions n'expriment que des faits directement vérifiables par l'expérience sensible. On suppose, par exemple, que telle substance inconnue et fragile ; il suffit de la soumettre à un choc pour vérifier la conjecture. » De Munnynck (1899), 243.) ; Les suppositions indirectement observables (« La seconde espèce d'hypothèses exprime un fait qui échappe à une vérification directe par l'observation, mais qui est vérifiable et indiqué d'une manière déterminée par les faits d'expérience. Les atomes ne sont atteints par aucun de nos sens; ils semblent prouvés par les lois quantitatives des réactions chimiques, par la loi de Dulong et Petit, par celle de Kopp et Woestyn, par la récurrence des éléments, par les séries de Mendeléeff et par mille autres faits qui tous semblent nous indiquer du doigt l'atome chimique (…) Ces conjectures ne sont de vraies hypothèses que pour un temps; mais pour un temps plus long que celles de la première espèce, puisqu'il faut généralement beaucoup de conjectures vérifiables en elles-mêmes, et beaucoup de fines déductions pour établir définitivement leur réalité. Une fois qu'elles sont prouvées, on devrait s'abstenir de les appeler des hypothèses ; ce sont des faits scientifiques au même titre que les faits observés. Généralement un génie les conçoit ; quelques générations de travailleurs sont parfois nécessaires pour les établir ou les ruiner. Si l'on arrive à les démontrer, elles prennent place parmi les plus belles conquêtes de l'intelligence humaine ». De Munnynck (1899), 243.) ; Les suppositions qui ont pour objectif de déterminer la cause des phénomènes (Hypothèses causales). L’autre focalise son travail sur les hypothèses causales.

[2]          « Aucune hypothèse causale n'est devenue une vérité certaine, une conquête définitive de l'esprit humain. Bien plus, aucune ne s'est maintenue comme théorie probable ; toutes ont fini par disparaître. (…) L'histoire des sciences n'est que la nécropole des idées défuntes ». De Munnynck (1899) 345.  Il renvoie sur ce point sur le sujet de la banqueroute de la science.

[3]          « Lorsqu'une théorie est véritablement prouvée, on parvient toujours à se mettre d'accord sur la valeur des preuves. (…) tous peuvent juger si une conclusion est vraiment contenue dans tel principe évident, si une loi résulte logiquement de tel ou tel fait constaté. Or, cette entente générale ne se réalise jamais sur une hypothèse scientifique.  Faut-il rappeler les interminables discussions sur la nature de l'éther, conçu comme cause productrice de nombreux phénomènes physiques? » De Munnynck (1899), 247.

[4]          De Munnynck (1899), 257.

[5]          « Le cas le plus général, dit M. Naville, soit en physique, soit en histoire naturelle, est que les hypothèses ne sont pas susceptibles d'une démonstration immédiate, mais passent, lorsqu'elles sont vraies, par les degrés d'une probabilité croissante. » - (…) Et ici apparaît, palpable, évidente, la distinction essentielle à établir en les hypothèses qui n'ont pour objet qu'une loi expérimentale à vérifier, et les « hypothèses scientifiques » dans le sens restreint du mot, qui ont trait aux causes des phénomènes. (…) M. Naville : « Nous accordons (…) à des théories explicatives des faits une adhésion sans réserver. Les astronomes modernes accordent une confiance aussi entière à la théorie de Copernic qu'aux résultats d'un calcul mathématique... En théorie pure, si l'on s'en tient aux règles de la logique ordinaire, la plus haute probabilité ne peut devenir certitude. En fait, il est une foule d'hypothèses confirmées en mécanique, en physique, en chimie, sur la foi desquelles nous n'hésitons pas à régler notre conduite. La raison théorique et la raison pratique suivent ici des lignes divergentes ». De Munnynck (1899), 248. Ou encore « Enfin les philosophes eux-mêmes confessent qu'il y a quelque chose d'étrange, d'inexplicable par la logique ordinaire, dans l'assentiment donné à certaines hypothèses scientifiques ».

[6]   « Qu'il nous soit permis de signaler un danger inhérent à ces hypothèses invérifiables, qui se maintiennent très longtemps dans la science. On finit presque toujours par perdre le sentiment de leur véritable valeur. Telle est la force de l'habitude et de l'entourage, que l'intelligence finit par accepter ces théories comme des axiomes, ou au moins comme des vérités définitivement acquises. Au lieu de les mettre constamment en rapport avec leurs seules prémisses possibles, les faits d'observation, pour ne jamais perdre de vue ce qu'elles contiennent d'arbitraire, l'esprit l’envisage dans une sorte d'intuition, isolées de toute preuve, sas la moindre tentation de jamais les révoquer en doute. » De Munnynck (1899) 257.

[7]   De Munnynck (1899), 255.