Un Géomètre Philosophe

Titre

Un Géomètre Philosophe

Auteur Intervention

Statut

Année de publication

Périodique de publication

Volume

22

Pagination

102-124

Type d'intervention

Champ Scientifique

Thèse - Objectif :

Présenter et examiner les principes fondamentaux et essentiels de la philosophie de Cournot, en particulier la relation et les rapports entre philosophie et sciences, les idées qui servent de fondements aux sciences, les notions d'ordre, de hasard et de raison...

Acculturation

Non

Référence bibliographique

  • Cournot, Antoine-Augustin, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, Paris, 1851

  • Cournot, Antoine-Augustin, Traité de l’enchaînement des idées fondamentales dans les sciences et dans l’histoire, Paris, 1864

  • Cournot, Antoine-Augustin, Exposition de la théorie des chances et de sprobabilités, Paris, 1843

  • Cournot, Antoine-Augustin, Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes, Paris, 1872

  • Cournot, Antoine-Augustin, Matérialisme, vitalisme, rationalisme, Paris, 1873

  • Ravaisson

  • Janet

  • Vacherot

  • Renouvier, Charles, Traité de la logique générale

  • Taine

  • Laplace

  • Condillac

  • Kant

  • Taine

Commentaire référence bibliographique
  • Liard présente les grands principes de la philosophie de Cournot à partir de Cournot (1851), Cournot (1864), Cournot (1843), Cournot (1872), Cournot (1873).

  • Selon Liard, Cournot a été jusqu'à présent uniquement lu par des philosophes professionnels. Cependant, la communauté philosophique a très peu pratiqué et apprécié la philosophie et les écrits de Cournot. Seuls Ravaisson, Janet, Vacherot, Renouvier et Taine ont étudié Cournot à sa juste valeur : 

    « Cournot n’avait guère, jusqu’en ces derniers temps, été connu que des philosophes de profession, et encore, dans ce public spécial et restreint, peut-être avait-il rencontré parfois une tiédeur imméritée. Si de bons juges, entre autres MM. Ravaisson, Janet, Vacherot, Renouvier, Taine, l’ont estimé à sa haute valeur, beaucoup l’ont traité honorablement sans doute, par courtoisie de philosophes à savant, mais sans l’avoir assuez lu et assez pratiqué ; quelques-uns même, parce qu’il était venu de la science à la philosophie sans apporter à celle-ci les certitudes de celle-là, l’ont tenu pour un allié suspect ; enfin il a passé pour transfuge auprès de ceux pour qui une philosophie distincte de la science positive n’a plus droit à la vie. » (Liard (1877), pp. 102-103).

  • Liard examine les points communs et les différences entre la philosophie de Kant et les principes philosophiques de Cournot, en particulier le rapport entre philosophie et sciences. Cet examen le conduit à caractériser la philosophie de Cournot de kantisme expérimentale :

    « Cette façon de voir n’est pas sans analogie avec celle de Kant. Pour Kant, en effet, la philosophie n’est ni une construction a priori, ni une construction a posteriori du monde, ni une métaphysique, ni une cosmologie expérimentale ; sa fonction est d’analysr la connaissance, de discerner dans ‘lacte de la pensée les conditions organiques de toute pesnée, et d’en déterminer la valeur et la portée. Mais, si en ce sens M. Cournot relève de Kant, il en est indépendant sur la question capitale des principes et des procédés de la critique. Kant a surtout en vue de démêler dans la connaissance totale, simple ou complexe, l’apport du sujet pensant, et pour cela, partant de ce principe que tout élément d’expérience st particulier et contingent, il inscrit à l’actif de l’esprit tout ce qui dans la connaissance est universel et nécessaire. (…) L’analyse de M. Cournot est au contraire objective. Il estime que c’est, non dans une étude abstraite de l’esprit humain, mais dans l’observation des sciences elles-mêmes, prises avec tous leurs développements, qu’on doit chercher a posteriori « les idées ou conceptions primitives auxquelles nous recourons constamment pour l’intelligence et l’explication des phénomènes naturels. » » (Liard (1877), p. 106)

  • Liard renvoie à une citation de Laplace sur le déterminisme et le hasard : 

    « Telle était la pensée de Laplace lorsqu’il écrivait : « Tous les événements, mêmes ceux qui, par leur petitesse, semblent ne pas tenir aux grandes lois de la nature, en sont une suite aussi nécessaire que les révolutions du soleil… Les événements actuels ont avec les précédents une liaison fondée sur le principe évident qu’une chose ne peut pas commencer d’être sans une cause qui la produit… Nous devons donc envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur et comme la cause de celui qui va suivre ; une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre des données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé serait présent à ses yeux, » et lorsqu’à la suite de cette formule, la plus saisissante qu’on ait jamais donnée du déterminisme universel, il ajoutait que le hasard ou la probabilité qui le mesure « sont relatifs en partie à ce que nous savons, en partie à ce que nous ignorons. » Ainsi entendu le hasard serait, comme on l’a dit tant de fois, un mot dont nous couvrons notre ignorance ; en l’affirmant, nous le nierons, car, si nous reconnaissons que les causes de certains événements nous demeurent inconnues, nous ne laissons pas de proclamer en même temps que tout ce qui arrive a sa raison dans ce qui l’a précédé. » (Liard (1877), pp. 108-109)




  • Liard rappelle le procédé employé par Condillac pour analyser la valeur représentative de chaque espèce de sensations :

    « Condillac, pour expliquer par la seule sensation la genèse de toutes nos connaissances, imaginait une statue inerte à laquelle il donnait tour à tour les sens différents, et il recueillait les notions qu’il croyait s’introduire en elle, à chaque nouvelle ouverture sur le monde extérieur. Un tel procédé est artificiel ; aussi M. Cournot n’a-t-il garde de le renouveler. » (Liard (1877), p. 117).

  • « Nous ne pouvons soulever ici le difficile problème des fondements du hasard et de la probabilité mathématique ; il a été traité avec une compétence spéciale par un profond penseur français, M. Ch. Renouvier, dont la fortune n’est pas sans analogie avec celle de M. Cournot, dans un récent traité de logique générale. » (Liard (1877), p. 120)

Intervention citée

Non

Intervention discutée

Non

URL

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k87070g/f106.item

Fiche complète

Oui

Créateur de la fiche

Greber, Jules-henri

Un géomètre philosophe est le premier article de fond publié par Liard dans la Revue des deux mondes. Parue en 1877, l'intervention a pour objectif de présenter et d'examiner les principes fondamentaux et essentiels de la philosophie de Cournot (théorie de la connaissance, concepts de raison, de hasard et d'ordre, idées au fondement des sciences...). Il s'agit d'inciter la communauté des philosophes professionnels et le lectorat mondain à relire et étudier la pensée cournotienne. Cette analyse, réalisée à partir de plusieurs ouvrages de Cournot (Cournot (1851), (1864), (1843), (1872), (1873)), met l'accent sur les relations et rapports réciproques entre philosophie et sciences[1], ainsi que sur les conséquences de cette relations pour la théorie de la connaissance entendue comme analyse des idées qui servent de fondements aux connaissances scientifiques : 

« La doctrine générale qui, à travers tous ses ouvrages, est l’âme et le lien de ses pensées lui appartient de toutes pièces : ce n’est ni une philosophie métaphysique, ni une philosophie positive ; c’est une philosophie critique, mais avec des principes et des procédés propres, étrangers à ceux de la critique kantienne. (…) Savant et philosophe, M. Cournot repousse à la fois les prétentions des métaphysiciens, au nom de la science, et celles des positivistes, au nom de la philosophie. A ses yeux, toutes théorie du monde qui ne s’appuie pas sur les faits est chimérique, et toute science qui prétendrait se passer des idées est ruineuse. Il faut donc tenir indissolublement unis ces deux facteurs de la connaissance, sans toutefois les confondre et les identifier, et pour cela faire à la philosophie, au sein même de la science, une place que la science ne revendiquera pas. On y réussira si l’on remarque que toute science contient deux sortes d’éléments, des faits et des idées, faits positifs, indubitables, mais par eux-mêmes sans lumière, idées et conceptions qui servent à éclairer les faits, à les distribuer, à les ordonner, sans tomber elles-mêmes sous les prises de l’expérience. (…) Ainsi, en tout ordre de science, on trouve unies une partie positive et une partie rationnelle : les faits, et les idées théoriques par lesquelles nous enchaînons et ordonnons les faits. (…) Cela suffit pour permettre d’assigner à la philosophie un objet propre : elle est la critique des idées fondamentales des sciences. Philosophie et science sont donc deux fonctions de l’esprit, distinctes et associées. » (Liard (1877), pp. 103-105).

[1]         Pour Liard, les principes fondamentaux de la philosophie de Cournot découlent du rapport établi et conceptualisé par ce dernier entre la philosophie et les sciences.