Déterminisme et liberté. La liberté démontrée par la mécanique

Titre

Déterminisme et liberté. La liberté démontrée par la mécanique

Statut

Année de publication

Volume

1882

Pagination

453-480

Type d'intervention

Champ Scientifique

Théorie scientifique examinée

Thèse - Objectif :

Exposer les données du problème du libre arbitre et du déterminisme

Présenter et combattre les arguments des déterministes et des indéterministes (I. Arguments ordinaires pour et contre le libre arbitre ; II. Le libre arbitre peut-il être une illusion ? ; III. Peut-il exister des forces capables de modifier leur intensité, leur direction ou leur point d'application ? ; IV. De la prétendue nécessité d'un principe directeur pour lever des cas d'indétermination du mouvement ; V. Pour déterminer un mouvement, une force nulle peut-elle suffire dans certains cas ? ; VI. S'il y a des actions, elles ne peuvent impliquer une création de force)

Montrer que les premières tentatives pour démontrer mécaniquement le libre arbitre (Cournot, de Saint-Venant, Boussinesq) reposent sur des sophismes et doivent être abandonnées

Acculturation

Non

Référence bibliographique

Commentaire référence bibliographique
  • Pour Delboeuf parmi les sept énigmes du monde de du Bois-Reymond, celle du libre arbitre reste la plus délicate à résoudre :

    « S’il est un problème qui tout à la fois passionnent et désespère, c’est celui de la liberté. Depuis le jour où l’homme s’est mis à réfléchir sur sa propre nature, il n’a cessé de se poser cette question : Suis-je libre ? La réponse diffère suivant e point de vue où il se place. Législateur ou juge, le libre arbitre est pour lui un dogme ; prêtre ou fidèle, il en fait le sacrifice absolu aux pieds de la divinité. Philosophe moraliste, il trouve dans son sens intime la preuve irréfragable de l’indépendance de sa pensée consciente ; philosophe physicien, les lois de la nature, universelles et immuables, lui défendent d’accorder à n’importe quel être le privilège de s’y soustraire. S’agit-il d’expliquer l’origine de la matière, du mouvement, de la vie de la sensibilité, de la finalité, de la pensée, ou, comme les a appelées M. du Bois-Reymond, les énigmes du monde, les penseurs conservent des doutes ; ils énoncent leur opinion avec une certaine défiance et essayent autant de se convaincre eux-mêmes que de convaincre leurs adversaires. Le libre arbitre est-il en cause, - tant qu’il s’agit de théorie et non de pratique – ceux qui l’affirment, comme ceux qui le nient, ont une persuasion égale, et ni les uns ni les autres ne parviennent à comprendre comment il se fait que tout le monde ne la partage pas. Les autres énigmes nous touchent de moins près ; et, à tout prendre, il nous semble que nous avons soulevé quelque coin du voile qui les recouvre. L’astronomie, la physique, la chimie, la physiologie, si elles ne nous permettent pas encore d’en entrevoir la solution, les ont du moins beaucoup simplifiées, et nous croyons y voir plus clair que les anciens. Mais la question de la liberté, agitée dès le début de la pensée, n’as depuis lors avancé d’un pas, et l’histoire monotone des avortements de toutes les tentatives faites pour l’éclaircir est bien de nature à nous inspirer la plus légitime défiance de nous-mêmes. » (Delboeuf (1882), pp. 453-454)

  • Delboeuf rappelle la tentative de conciliation entre déterministes et indéterministes de l’abbé Galiani ; tentative reprise par Caro :

    « Devons-nous parler d’une tentative de conciliation imaginée par l’abbé Galiani, qui fit sourire Diderot, mais que M. Caro vient d’adopter pour son propre compte en lui faisant subir une modification hardie ? Il ne peut exister d’être libre, pense l’abbé ; d’autre part, sans liberté, pas de morale. Cependant, tout bien pesé, la persuasion de la liberté lui paraît suffire. « Or être persuadé que l’on est libre est-ce la même chose qu’être libre en effet ? Je réponds : ce n’est pas la même chose, mais cela produit les mêmes effets en morale. L’homme est donc libre puisqu’il est persuadé de l’être et que cela vaut autant que la liberté. Cela suffit pour établir une conscience, un remords, une justice, des récompenses et des peines. » M. Caro va plus loin : « Par cela même que nous croyons être libres, dit-il, nous le sommes. Ce n’est pas seulement la conviction de notre liberté que nous avons, c’en est la réalité même que produit cette conviction. Un être intelligent, dès qu’il se croit libre, l’est en fait moralement et psychologiquement ; on est libre aussitôt qu’on pense l’être et dans la mesure où l’on croit l’être. C’est là la vérité humaine, complète, en dépit de tous les raisonnements à priori et de tous les théorèmes du déterminisme et du mécanisme. Je suppose que c’est cela, au fond, que Galiani a voulu dire, et je ne saurais, pour mon compte, trop l’approuver. » Ainsi, pour M. Caro, la persuasion crée la chose même dont on est persuadé ! Pourtant il est douteux que, juge, il condamnerait un insensé qui avouerait son crime et soutiendrait, devant le tribunal, l’avoir commis de propos délibéré. » (Delboeuf (1882), p. 457)

  • Delboeuf renvoie à son Essai de logique scientifique dans lequel il examine les notions qui se rapportent à la mécanique. Il examine, en note, l'ouvrage de Pirmez (dont un compte rendu réalisé par Tannery a paru dans la Revue philosophique en 1881) :

    « Un esprit extrêmement ingénieux et subtil, M. Pirmez, ancien ministre et membre de la Chambre belge, a, dans un libre dans la Revuea rendu compte (décembre 1881), attaqué la loi d’inertie. Il est parti de cette idée que le mouvement était une activité, et le repos un état. Le mouvement indéfini lui apparaît ainsi comme une suite indéfinie d’effets sans cause. Mais l’existence indéfinie est dans le même cas. Au fond, sans s’en douter, M. Pirmez, se heurte à une notion aussi obscure que celles de la force et de la matière, la notion du temps. D’autre part, la critique de M. Pirmez tomberait juste si la mécanique était une science de la réalité. Je dois dire que nombre de géomètres se l’imaginent comme lui. Mais les lois mécaniques sont abstraites et elles n’ont de vérité qu’en tant qu’appliquées à des abstractions. En l’absence de point de repère, pour la mécanique, une masse animée d’un mouvement rectiligne et uniforme est la même chose qu’une masse en repos ; or, cela est vrai de ces masses imaginaires, telles que les forge la mécanique, composées de points reliés entre eux par des relations invariables. Mais des masses réelles se conduiraient tout autrement, et l’inspection d’une seule de leurs particules nous ferait connaître si elles sont mues ou non. C’est ce que nous verrons plus tard. » (Delboeuf (1882), pp. 464-465)

  • Après avoir rappelé brièvement les réceptions et débats auxquels le mémoire de Boussinesq a donné lieu, Delboeuf présente les arguments du géomètre en faveur d’une conciliation entre la liberté et les principes de la mécanique :

    « La solution nouvelle repose sur certains cas d’indétermination que peuvent présenter les équations différentielles du mouvement, dont l’intégration conduit à des solutions singulières. (…) » (Delboeuf (1882), pp. 468-470)

  • Delboeuf présente la solution de Cournot et de Saint-Venant pour concilier le libre arbitre et le déterminisme mécanique. Celle solution consiste à utiliser la notion d’une force décrochante pour expliquer l’acte libre (Delboeuf (1882), pp. 472-475)

  • Delboeuf reprend les analyses de Plateau sur quelques exemples curieux de discontinuité en analyse pour discuter la thèse de Boussinesq

  • Boussinesq, Joseph, « Extraits du mémoire sur la conciliation du véritable déterminisme mécanique avec l’existence de la vie et de la liberté morale », in Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, 1878, t. 12, pp. 721-757. (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k405871f/f720.image)

Discute :

Commentaire Discute
  • Delboeuf critique et relève les sophismes présents dans les solutions mécaniques de Boussinesq, de Saint-Venant et Cournot (Delboeuf (1882), pp. 468-478). Pour le philosophe, ces solutions, tout en cherchant à démontrer mécaniquement le libre arbitre, doivent être abandonnées.

Intervention citée

Oui
Cité par

Intervention discutée

Oui
Discuté par
Commentaire Discuté par

Gröcler tente de réfuter la théorie de Delboeuf sur la conciliation du libre arbitre et du déterminisme mécanique, en particulier ses attaques contre le déterminisme absolu. 

Fouillée récuse l'idée que le libre arbitre puisse être démontré à partir des principes de la mécanique. Pour lui, et contrairement à Delboeuf, le problème du libre arbitre et du déterminisme est d'ordre purement psychologique et métaphysique. 

URL

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k17152c/f457.item

Créateur de la fiche

Greber, Jules-henri

Déterminisme et liberté. La liberté démontrée par la mécanique est le sixième article de fond en philosophie des sciences publié par Delboeuf dans la Revue philosophique de la France et de l'étranger. Parue en 1882, l'intervention a pour objectif d'exposer les données du problème du libre arbitre et du déterminisme. Il s'agit de présenter et combattre les arguments des déterministes et des indéterministes (I. Arguments ordinaires pour et contre le libre arbitre ; II. Le libre arbitre peut-il être une illusion ? ; III. Peut-il exister des forces capables de modifier leur intensité, leur direction ou leur point d'application ? ; IV. De la prétendue nécessité d'un principe directeur pour lever des cas d'indétermination du mouvement ; V. Pour déterminer un mouvement, une force nulle peut-elle suffire dans certains cas ? ; VI. S'il y a des actions, elles ne peuvent impliquer une création de force). Delboeuf, partisan de la possibilité de démontrer mécaniquement le libre arbitre[1], examine et discute principalement les premières tentatives pour démontrer mécaniquement le libre arbitre (Cournot, de Saint-Venant, Boussinesq). Il est conduit à les repousser en relevant les différents sophismes qu'elles contiennent.

[1]         « Si, pour juger le débat, nous nous plaçons en dehors de toute idée préconçue, que voyons-nous ? Chacun des deux armées se renfermer dans une place forte qu’elle regarde comme inexpugnable, porter des défis que l’autre se garde de relever, mais ne pas essayer de faire de siège en règle. Dans ces conditions, la lutte – ou plutôt la dispute – doit fatalement s’éterniser, et c’est ce qui arrive. Je me propose de changer cette tactique, de poursuivre le déterminisme jusque dans ses retranchements et de lui livrer sur son propre terrain un combat corps à corps. » (Delboeuf (1882), p. 454)