Esprit métaphysique en géométrie (De l')

Titre

Esprit métaphysique en géométrie (De l')

Année de publication

Périodique de publication

Volume

3

Pagination

265-277

Type d'intervention

Champ Scientifique

Théorie scientifique examinée

Thèse - Objectif :

Éliminer les conceptions métaphysiques qui se trouvent aux fondements de la géométrie

Présenter les conséquences néfastes de la métaphysique sur l'enseignement des principes de la géométrie

Montrer que la géométrie est une science dont les premiers principes sont des généralisations de l’expérience établies à partir d’un processus d’abstraction inductif

Acculturation

Non

École philosophique

Positivisme

Référence bibliographique

Commentaire référence bibliographique
  • André reprend l'analyse positiviste opérée par Wyrouboff sur l'hypothèse de l'éther pour souligner la nécessité d'éliminer les derniers résidus métaphysiques des sciences positives : 

    « L'influence de la métaphysique a persisté jusqu'à nos jours; M. Wyrouboff nous a montré ici même (voir le numéro de mars-avril 1868), comment elle a su se maintenir, dans les sciences physiques, en détournant les hypothèses de leur véritable signification scientifique. Il nous a fait voir comment l'hypothèse de l'éther, en particulier, si séduisante tout d'abord en raison de sa simplicité, si utile tant qu'elle s'est bornée à relier ensemble les résultats des premières observations, est devenue embarrassante aujourd'hui pour les physiciens, qui sont forcés d'entasser complications. sur complications pour lui permettre de rendre compte des derniers faits connus. » (André (1868), p. 266)

  • André cite Pascal pour illustrer les tentatives des métaphysiciens pour s'approprier les principes des mathématiques :

    « Pascal a déjà signalé ces efforts des métaphysiciens pour s'approprier les principes des mathématiques; ils les apprécie ainsi dans son opuscule sur l'esprit géométrique : " C'est de cette sorte que la logoqe a peut-être emprunté les règles de la géométrie sans en comprendre la force et ainsi, en les mettant à l'aventure parmi celles qui lui sont propres, il ne s'ensuit pas de là qu'ils (les logiciens) aient entré dans l'esprit de la géométrie; et je serai bien éloigné, s'ils n'en donnent pas d'autres marques de l'avoir dit en passant, de les mettre en parallèle avec cette science qui apprend la véritable méthode de conduire la raison. Mais je serai au contraire bien disposé à les en exclure, et presque sans retour. Car de l'avoir dit en passant, sans avoir pris garde que tout est renfermé là-dedans, et, au lieu de suivre ces lumières, s'égarer à perte de vue après des recherches inutiles, pour courir à ce que celles-là offrent et qu'elles ne peuvent donner, c'est véritablement montrer qu'on n'est guère clairvoyant, et bien plus que si l'on avait manqué de les suivre parce qu'on ne les avait pas aperçues."» (André (1868), pp. 266-267)

  • André cite Descartes pour souligner le danger d'une intrusion de la métaphysique dans les principes fondamentaux des mathématiques :

    « Descartes lui-même avait déjà pensé aux dangers d'un pareil état de choses : "... les savants, dit-il, dans la Règle III pour la direction de l'esprit, non contents de reconnaître les choses claires et certaines, ont osé d'abord affirmer les choses obscures et inconnues, auxquelles ils n'arrivaient que par des conjectures probables; ensuite, y ajoutant par degré une foi entière et les mêlant indistinctement aux choses vraies et évidentes, ils ont fini par ne pouvoir plus rien conclure, qui ne parût dépendre de quelque proposition obscure, et dès lors qui ne fût incertain"» (André (1868), p. 267)

  • André cite Laplace pour montrer que les savants ont laissé aux métaphysiciens le soin de discuter des principes fondamentaux de la géométrie :

    « Après avoir exposé les principes de la géométrie, Laplace ajoutait : "La démonstration laisse à désirer du côté de la rigueur, leur seul énoncé porduit la conviction. Il ne faut donc pas, dans l'enseignement, insister sur ce qui peut manquer encore à la rigueur des preuves que l'on en donne, et l'on doit abandonner cette discussion aux métaphysiciens-géométres, du moins jusqu'à ce qu'elles aient été suffisamment éclairices pour ne laisser aucun nuage dans l'esprit des commençants.... Si l'on insiste trop, en commençant, sur l'exactitude de leurs démonstrations, il est à craindre que de vaines subtitlités ne produisent de fausses idées, qu'il est très-difficile ensuite de rectifier. Malheureusmeent, les exemples de personnes égarées pour toujours, par ces subtilités, ne sont pas rares." Les géomètres enseignants se sont matériellement conformés, dans leurs livres au moins, à cette recommandation de Laplace; ils exposent les préliminares sans éclaircir aucune des difficultés qu'ils présentent. Il y a plus; dans la crainte d'effaroucher quelqu'école, dans la crainte de s'aliéner les spiritualistes qui jouissent du privilège de présider à la rédaction de nos programmes officiels, même scientifiques, ils ont rédigé leur exposition de manière à permettre à chaque conception métaphysique d'y retouver les traces de son influence; d'où obscurité plus profonde, difficultés plus sérieses et même fautess contre la logique."» (André (1868), pp. 267-268)

  • Pour présenter les difficultés qui se produisent dans l’enseignement de la géométrie lorsqu’on laisse la métaphysique imposer sa méthode dans l’établissement des principes fondamentaux de cette science, André examine les Élément de géométrie de Legendre :

    « Tout en présentant les caractères généraux dont nous venons de parler, les différents traités de géométrie élémentaire, en raison même de l'esprit anti-positif dans lequel ils sont presque tous conçus, nous offrent entre eux, quant aux détails, des différences sensibles. Ne pouvant faire porter notre critique sur chacun de ces livres en particulier, nous allons nous borner à examiner la marche qu'a suivie Legendre, dont les éléments de géométrie ont inspiré les rédacteurs de nos programmes officiels, et servi de modèle aux livre qui sont, depuis, devenus réellement classiques. » (André (1868), pp. 269 et suivantes)

  • André cite l'abbé Yvon au sujet des axiomes :

    « Définissons donc les axiomes comme ils doivent l'être ici : des vérités d'observation relatives à l'étendue. l'abbé Yvon a déjà dit avant nous : "Les axiomes n'ont d'importance que comme premiers principes, c'est-à-dire comme enchaînement de vérités intimes et objectives. » (André (1868), pp. 272-273)

  • André rappelle une précaution recommandée par d'Alembert au sujet des définitions géométriques :

    « D'Alembert dit encore à l'article géométrie : "Au lieu de présenter les définitions brusquement, il faudrait considérer le corps tel qu'il est, et arriver à faire concevoir ce dont on veut parler en montrant comment on y arrive par des abstractions." (...) Pour mettre l'esprit en état d'interpréter les énoncés des axiomes, il faudrait avoir déjà, au sujet des définitions, donné à l'élève quelque idée de l'abstraction et de la manière dont on peut abstraire; précaution recommandée par d'Alembert, et que Legendre ne prend nullement en considération. » (André (1868), pp. 271, puis 273)

  • André cite Locke au sujet de certains axiomes :

    « Viennent ensuite les deux axiomes : Le tout est plus grand que sa partie et : le tout est égal à la somme des parties dans lesquelles il a été divisé. Aucune explication n'est donnée à l'appui. on peut, avec Locke (liv. IV, chap. VII), considérer ces maximes comme "des propositions purement verbales qui ne nous apprennent autre chose que le rapport que certains noms ont entre eux." On peut aussi, avec les idéalistes, les regarder comme des propositions absolument générales, plus ou moins nécessaires, plus ou moins innées, s'appliquant à toutes les propriétés de la matière, et dont la géométrie ne nous présente qu'une application particulière. Dans le premier cas, ces axiomes ne nous apprennent rien. "Que contient-elle de plus, dit Locke, que ce qu'emporte par soi-même la signification du mot tout ? Et comprend-on que celui qui sait que le moit tout signifie ce qui est composé de toutes ses parties, soit fort éloigné de savoir que le tout est égal à toutes ses parties ?" » (André (1868), pp. 271-272)

Intervention citée

Oui
Cité par

Intervention discutée

Non

URL

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77874v/f266.image

Fiche complète

Oui

Créateur de la fiche

Greber, Jules-henri

De l’Esprit métaphysique en géométrie est le premier article de fond publié par André au sein de La Philosophie Positive. Parue en 1868, l’objectif de l’intervention est d’éliminer les conceptions métaphysiques qui se trouvent aux fondements de la géométrie[1] en rendant à cette science sa véritable base, l’observation :

« Car, si, d’une part, le caractère inhérent à toute science est de réunir le consentement universel sur une doctrine qu’aucune discussion ne peut ébranler, nous savons d’ailleurs que le propre de toute conception métaphysique est de faire naître immédiatement la conception opposée ; de sorte qu’en accueillant dans son sein des théories métaphysiques, la géométrie s’expose en butte à des discussions interminables. Et, en effet, définitions de l’étendue et des lignes, axiomes, postulatum, tout prête à la critique, et tout est attaqué depuis longtemps, non-seulement au point de vue scientifique, mais même au point de vue purement logique. Pour faire disparaître ces difficultés, auxquelles nous nous heurtons encore (…), il suffirait de rejeter ces considérations hétéroclites qui déshonorent la science, il suffirait de rendre enfin à la géométrie sa vraie base, l’observation. Au point de vue scientifique, l’étendue, comme le mouvement, comme la pesanteur, comme la vie, est une propriété de la matière dont les lois fondamentales sont puisées dans l’observation. La science n’a pas à décider si ces lois sont nécessaires, absolues, innées : son rôle doit se borner à en constater la réalité. Rien, en dehors de ce qui découle de l’observation, n’a su réunir tous les hommes dans une même certitude (…). » (André (1868), p. 268).

En concevant la géométrie comme une science dont les premiers principes sont des généralisations de l’expérience établies à partir d’un processus d’abstraction inductif, on abandonne toutes les préoccupations métaphysiques à son sujet, en particulier l’idée de justifier d’une manière absolue ses principes.
Pour illustrer la nécessité d’éliminer ces préoccupations métaphysiques, l’auteur expose certaines conséquences néfastes qui se produisent dans l’enseignement de la géométrie lorsqu’on laisse la métaphysique imposer sa méthode dans l’établissement des principes fondamentaux de cette science[2]. Cet exposé permet alors à André de souligner la nécessité d’enseigner la géométrie comme une science expérimentale[3].

Ainsi, à l’instar de Littré et Wyrouboff, André adopte une interprétation phénoméniste extrêmement stricte de la philosophie positive pour fournir aux lecteurs les principes positivistes permettant de s’affranchir des recherches ontologiques et d’éliminer des sciences positives toute forme résiduelle de métaphysique.

[1]          « Les sciences mathématiques, quoique plus avancées que les autres, n’ont pas encore pu, elles non plus, se débarrasser entièrement des considérations métaphysiques. Mais, leurs méthodes étant trop solides et trop fécondes, leurs déductions trop rigoureuses, pour que la métaphysique ait pu s’y incorporer d’une manière intime et continue, c’est principalement dans l’établissement de leurs points de départ qu’elle s’est réfugiée. Cette position particulière permet aux métaphysiciens de discuter à peu de frais et sans une étude préalable de la science ; elle leur permet aussi, malgré l’incompatibilité des méthodes, de faire rentrer dans leur philosophie les mathématiques, dont ils prétendent établir les principes. » (André (1868), p. 266).

[2]          « En dehors des aberrations philosophiques et même purement scientifiques de ceux dont l’esprit est resté toujours confiné dans les études mathématiques, nous pouvons constater quelle est la difficulté pour les élèves d’arriver, dans les conditions qui leur sont faites, à se rendre un compte exact de la nature de la méthode en géométrie. Tout est préparé pour leur donner ces « idées fausses, si difficiles à rectifier, », et qui ne peuvent disparaître que par un travail rétrospectif, effectué après une étude approfondie des autres sciences ; de sorte que la géométrie va, en quelque sorte, à l’encontre de son but, qui doit être la préparation et l’initiation aux sciences plus compliquées. Il en résulte, d’autre part, chez bon nombre d’esprits, une répugnance qui les arrête et les détourne de l’étude, parce que, en raison de la confusion établie entre deux procédés aussi contradictoires que ceux de la métaphysique et de la science, l’élève en arrive à ne plus savoir distinguer ce qu’il doit tenir pour évident de ce qui nécessite une démonstration. » (André (1868), p. 276)

[3]          André souligne au sujet des axiomes : « Définissons donc les axiomes comme ils doivent l’être ici : des vérités d’observation relatives à l’étendue. (…) Pour mettre l’esprit en état d’interpréter les énoncés des axiomes, il faudrait avoir déjà, au sujet des définitions, donné à l’élève quelque idée de l’abstraction et de la manière dont on peut abstraire ; (…) Passant alors aux propriétés de l’étendue, on aurait à faire voir comment les propriétés qu’on va constater, ne peuvent jamais être vérifiées d’une manière absolue ; la division de la matière est un phénomène complexe, dans lequel interviennent des perturbations ; nous ne pouvons donc jamais observer une division de l’étendue purement géométrique. Néanmoins, d’après l’observation de ces phénomènes complexes dont quelques-uns s’écartent, insensiblement pour nous, du phénomène abstrait que nous voulons étudier, l’esprit arrive, par induction si l’on veut, à dégager la loi de la division géométrique de l’étendue. » (André (1868), pp. 272-273).