Notion de hasard chez Cournot (La)

Titre

Notion de hasard chez Cournot (La)

Statut

Année de publication

Périodique de publication

Volume

5

Pagination

497-515

Type d'intervention

Champ Scientifique

Thèse - Objectif :

Présenter, examiner et discuter les principes fondamentaux de la philosophie de Cournot (Théorie des idées ; Théorie du Hasard ; Théorie de la raison des choses ; Théorie des probabilités (mathématiques et philosophiques))

Acculturation

Non

Référence bibliographique

Commentaire référence bibliographique
  • Pour Tarde, Cournot a repris à nouveaux frais le grand problème philosophique de l’objectif et du subjectif :

    « Il (Cournot) s’est heurté, après Kant, au grand problème philosophique de savoir ce qu’il y a d’objectif et de purement subjectif dans nos pensées. Il a essayé de le résoudre par l’emploi d’une méthode toute nouvelle, que sa culture mathématique lui a suggérée en partie. Il traite, en effet, cette question, à certains égards, à peu près comme un géomètre tel que Laplace traite un problème de probabilité. Une idée, d’après lui, doit être d’autant plus probablement réputée représentative du dehors, correspondante à une réalité extérieure et semblable, que cette idée introduit plus d’ordre, et un ordre plus simple dans nos perceptions. » (Tarde (1904), pp. 497-498)

  • Pour Tarde, les principes fondamentaux de la philosophie de Cournot proviennent, en partie, d'une prise en compte et d'une analyse du calcul des probabilités. En cela, le géomètre-philosophe s'oppose à Comte :

    « On voit que cette notion de hasard s’appuie sur celle de probabilité. N’oublions pas que Cournot, comme tous les grands géomètres, s’est beaucoup occupé du calcul des probabilité, qu’il a même publié tout un gros traité sur ce sujet. J’ajouterai que cette branche des mathématiques, si mal accueillie à sa première poussée, et dont Auguste Comte, en particulier, a dit beaucoup de mal, n’a cessé de grandir en importance scientifique par la fécondité de ses applications. » (Tarde (1904), pp. 498-499)

    Cependant, Tarde identifie certains points communs entre Comte et Cournot :

    « On remarque que, par ce peu de goût pour l’idée de cause, Cournot s’accorde avec Auguste Comte. Chez les deux, l’éducation mathématique explique cette disposition. Mais, chez Comte, l’idée de cause est bannie, parce qu’il la répute entachée de métaphysique ; chez Cournot, elle est subordonnée à l’idée de raison, parce qu’elle est, au contraire, trop positive, et j’allais dire trop grossière, tandis que l’idée de raison a quelque chose de plus idéaliste, de plus mathématique. » (Tarde (1904), p. 501)

  • Tarde renvoie le lecteur à Poincaré pour illustrer l’importance du calcul des probabilités pour les sciences et la philosophie :

    « On peut voir, dans le petit volume tout récent de M. Poincaré intitulé : La Science et l’Hypothèse, vrai chef-d’œuvre de profondeur lucide, le cas que cet éminent géomètre fait de cet ordre de spéculations. D’après lui, « toutes les sciences ne seraient que des applications inconscientes du calcul des probabilités ; condamner ce calcul, ce serait condamner la science tout entière. »… Il dit expressément que la théorie cynétique des gaz, entre autres théories, repose sur la loi des grands nombres, et que « le calcul des probabilité (s’il était imaginaire) l’entrainerait évidemment dans sa ruine ». Il ajoute : « Et ce ne serait seulement pas de ce sacrifice partiel qu’il s’agirait, ce serait la science tout entière dont la légitimité serait révoquée en doute. » » (Tarde (1904), p. 499)

  • Dans son analyse de la théorie du hasard de Cournot, Tarde renvoie aux articles de Milhaud et Piéron :

    « La notion que Cournot se fait du hsard demande à être discutée. Elle est peut-être, de toutes les idées de Cournot, celle qui a été la plus remarquée, et récemment encore, dans la Revue de Métaphysique, deux articles intéressants et finement subtils, sont consacrés à l’examen de cette théorie. L’un est de M. Georges Milhaud, qui découvre entre l’idée que Cournot se fait du hasard et celle que s’en était faite, si longtemps avant lui, Aristote, une profonde analogie ; et ce rapprochement permet au moins d’affirmer que, pour Aristote comme pour Cournot, le fortuit consiste dans la rencontre imprévisible de séries de causes et d’effets jusque-là indépendantes. L’autre article de M. Henri Piéron, qui, tout en rapprochant, lui aussi, la définition de Cournot et celle d’Aristote, et montrant par là le cas qu’il fait de la première, soumet celle-ci à une critique pénétrante, et tâche de mettre en évidence son insuffisance, ou plutôt l’utilité de combiner la définition de Cournot avec celle du grand philosophe de l’antiquité. » (Tarde (1904), p. 505)

  • Tarde présente et examine les critiques adressées par Piéron à la théorie du Hasard de Cournot :

    « M. Piéron, avec raison, reproche à la définition de Cournot d’être trop large. Comme il le dit très bien, « la plupart des phénomènes sont dus à la rencontre de séries indépendantes ». Vous ne pouvez vous promener dans la rue sans rencontrer une foule de personnes dont chacun est une série d’états d’âme ou d’états corporels enchainés, partiellement indépendante des autres séries. Ainsi, la circulation entière d’une grande ville serait un amas énorme et un fleuve continu d’accidents. Mais la nature aussi est toute pleine d’accidents, à ce compte : la pluie tombe sur une place, accident ; car, est-il rien de plus indépendant que la série des états traversés par une goutte de pluie depuis son ascension de ‘Océan dans la rue jusqu’à sa chute, et la série des états embryonnaires traversés par chaque plante depuis la fécondation de son ovule initial ? M. Piéron est d’avis qu’il faut faire intervenir ici un élément psychologique, dont Cournot n’a pas voulu se préoccuper, et ne qualifier fortuites parmi toutes les rencontres de séries indépendantes, que celles qui sont contraires à nos vœux, à nos buts, ou, à l’inverse, qui les secondent d’une manière inattendue. (…) Ainsi, on ne saurait éliminer de la notion d’accidentalité l’idée de finalité : elle en est partie intégrante. Mais, précisément, ce qui singularise la tentative de Cournot, c'est d'avoir cherché à purger de tout élément de finalité subjective l'idée du hasard, et la question est de savoir s'il y a réussi. » (Tarde (1902), pp. 505-506)

Discute :

  • Cournot, Antoine-Augustin, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, Paris, 1851

Commentaire Discute
  • Tarde discute certains principes fondamentaux de la philosophie de Cournot, en particulier sa théorie de la raison des choses et sa notion du hasard.

Intervention citée

Oui
Cité par
Commentaire Cité par
  • Milhaud défend la conception du Hasard de Cournot contre les critiques de Tarde :

    « À côté de ces objections qui portent principalement sur le déterminisme inséparable de la conception de Cournot, d’autres se sont fait jour, notamment avec Tarde et Henri Piéron. On reproche à Cournot d’avoir rejeté du hasard toute notion de finalité, et ainsi d’avoir éliminé un élément psychologique et subjectif qui paraît indispensable. Les séries indépendantes sont partout ; mais seules fournissent du hasard, celles dont la rencontre nous intéresse, celles qui comportent pour nous quelque chose d’heureux ou de malheureux, de bon ou de mauvais, ou simplement de désirable, ou même de remarquable. Il faut, à propos de tel ou tel fait, résultat de plusieurs suites distinctes de causes, que nous puissions dire : tout se passe comme si cette rencontre eût été voulu par une providence, ou par un heureux destin, ou par une justice immanente, ou par un sort impitoyable… « L’involontaire simulant le volontaire, dit Tarde, voilà ce qui caractérise à nos yeux les faits que nous appelons fortuits. » - « Nous ne parlons de hasard que pour nous », disait déjà H. Piéron, dans le même sens. Ne faut-il pas distinguer, répondrait sans doute Cournot, l’idée courante du hasard, qui en effet ne s’attache qu’à certaines rencontres, selon l’intérêt plus ou moins exceptionnel qui s’y trouve, et celle qu’a éclairée la science moderne en créant le calcul des probabilités ? Celle-ci est manifestement exempte de toute finalité et de tout élément psychologique. » (Milhaud (1911), p. 150)

URL

https://archive.org/details/revuedemtaphys05pariuoft

Créateur de la fiche

Greber, Jules-henri

La notion de hasard chez Cournot est le premier article de fond en philosophie des sciences publié par Tarde dans la Revue de philosophie. Parue en 1904, l'intervention a pour objectif de présenter, d'examiner et de discuter les principes fondamentaux de la philosophie de Cournot (Théorie des idées ; Théorie du Hasard ; Théorie de la raison des choses ; Théorie des probabilités (mathématiques et philosophiques)).