De la méthode dans la statistique

Titre

De la méthode dans la statistique

Statut

Année de publication

Périodique de publication

Volume

6

Pagination

23-43

Type d'intervention

Champ Scientifique

Théorie scientifique examinée

Thèse - Objectif :

Examiner les difficultés doctrinales et méthodologiques que rencontre actuellement la statistique

Donner une définition (buts, méthodes, objets et limites rationnelles) et déterminer la place de la statistique dans la science sociale

Montrer que les déviances et les critiques adressées actuellement à la statistique repose sur l'usage du calcul des probabilités dans l'étude des phénomènes sociaux

Combattre l'utilisation du calcul des probabilités dans l'étude des phénomènes sociaux et dénoncer l'empirisme auquel conduit cette utilisation

Compléter et corriger les thèses de Comte sur la science sociale en général, sur la statistique en particulier

Fournir l'ébauche d'une méthodologie pour assurer une certaine scientificité positive à la statistique

Acculturation

Non

École philosophique

Positivisme

Référence bibliographique

Commentaire référence bibliographique
  • Wyrouboff corrige et complète les études de Comte sur la science sociale. Tout en s'accordant avec Comte sur le fait de s'opposer à l'usage du calcul des probabilités dans l'étude des phénomènes sociaux, Wyrouboff est conduit à montrer, à l'encontre du père du positivisme (condamnation et rejet de la statistique), que cette science doit faire partie intégrante de la physique sociale : 

    « Ceci nous amène tout naturellement à examiner la méthode employée par les statisticiens et qui est devenue de nos jours, aux yeux de la plupart des savants, une condition indispensable de toute bonne statistique.Cette méthode consiste dans l’application aux phénomène sociaux d’une branche des mathématiques qui est connue sous le nom de calcul des probabilités ou de calcul des chances, et dont le problème est de calculer l’erreur commise et la probabilité du retour d’un événement, étant donné un certain nombre d’observations. M. Comte, dans deux endroits du quatrième volume de son grand ouvrage, a condamné l’usage de cette méthode d’une manière absolue. (…) Je me range volontiers à cette opinion si nette et si précise, non cependant sans y faire quelques réserves et sans lui donner quelques développements qui me paraissent indispensables. (...)  M. Comte a eu tort de traiter avec dédain la statistique, qui doit désormais faire partie intégrante de la physique sociale, il a eu tort de rejeter un procédé de recherche qui pouvait ne pas lui servir pour les spéculations philosophiques, mais qui est d'une incontestable utilité pour la science qui observe les faits particuliers. » (Wyrouboff (1870))

  • Wyrouboff rappelle et complète la définiton de la statistique donnée par Schlözer :

    « J’ai dit plus haut que la statistique ne pouvait s’occuper que des phénomènes statiques de la société, et c’est là un point très-important à considérer. Un savant allemand, Schlözer, a donné de la statistique une définition célèbre qui, malgré son vague, dénote un esprit très-sagace et un sentiment profond de la nature des phénomènes dont il s’occupe. « La statistique, a-t-il dit, est l’histoire en repos, et l’histoire est la statistique en mouvement ; et il ajoute plus loin, que l’histoire est un tout et que la statistique en est une partie. Sous cette forme, la définition à proprement parler, n’en est pas une, elle ressemble plutôt à un de ces spirituels jeux de mots comme savaient les faire les métaphysiciens, car les deux termes qu’il s’agit de définir se déterminent l’un par l’autre ; mais, en la précisant davantage et en lui ajoutant ce qui lui manque, nous allons voir qu’elle exprime très-bien le caractère de la statistique. » (Wyrouboff (1870), pp. 27-28)

  • Wyrouboff renvoie à ses articles sur la géologie et la minéralogie pour illustrer la nécessité de définir rationnellement les sciences :

    « Il pourrait sembler, au premier abord, que c’est là une discussion assez oiseuse, qu’en réalité il importe peu de savoir si la statistique est une science ou un fragment de science ; mais je l’ai déjà dit bien des fois et je ne cesserai de le répéter à ceux qui accusent la philosophie positive de trop s’occuper de la définition et de la classification des sciences, que ce problème est un de ceux qui influent le plus sur le développement des diverses branches du savoir humain. J’ai montré la désastreuse influence d’une fausse conception du caractère de la géologie sur la marche de cette science ; j’ai montré combien une vicieuse définition de la minéralogie avait contribué à arrêter les investigations de la physique des corps inorganiques ; il ne me sera pas difficile de montrer aujourd’hui, combien la statistique gagnera lorsque le but véritable et les limites rationnelles en seront convenablement appréciés. » (Wyrouboff (1870), p. 30)

Discute :

  • Comte, Auguste, Cours de philosophie positive

  • Quételet, Physique sociale ou essai sur le développement des facultés de l'homme, Paris, 1869

Commentaire Discute
  • Wyrouboff reproche à Comte son dédain pour la statistique et condamne l'utilisation, par Quetelet, du calcul des probabilités dans l'étude des phénomènes sociaux :

    « J'ai voulu élucider un point délicat, puisque deux hommes comme M. Comte et M. Quetelet, l'un le plus profond penseur du siècle, l'autre le statisticien le plus sagace de notre époque, ont pu diverger aussi considérablement à son égard. Si j'ai réussi à me faire comprendre, le lecteur verra que la conclusion des pages qui précèdent est cell-ci : M. Comte a eu tort de traiter avec dédain la statistique, qui doit désormais faire partie intégrante de la physique sociale, il a eu tort de rejeter un procédé de recherche qui pouvait ne pas lui servir pour les spéculations philosophiques, mais qui est d'une incontestabe utilité pour la science qui observe les faits particuliers; M. Quetelet a tort, de son côté, de croire qu'on peut introduire le calcul des chances dans l'étude de la sociologie. À l'inverse de M. Comte, il a tort d'employer une méthode spéciale pour établir des faits généraux. » (Wyrouboff (1870), p. 43).

Intervention citée

Oui
Cité par
Commentaire Cité par
  • Lottin présente les critiques adressées par Wyrouboff à l'encontre de l'utilisation du calcul des probabilités dans l'étude des phénomènes sociaux.

Intervention discutée

Oui
Discuté par
Commentaire Discuté par

Lottin discute la notion que se fait Wyrouboff des lois statistiques. Le philosophe néo-thomiste estime qu'il est possible d'appliquer le calcul des probabilités dans l'étude des phénomènes sociaux si on envisage la notion de loi dans un sens moins strict. 

URL

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77877w/f26.image

Fiche complète

Oui

Créateur de la fiche

Greber, Jules-henri

De la méthode dans la statistique est le sixième article de fond publié par Wyrouboff dans La Philosophie Positive. Parue en 1870, l’intervention, motivée par la publication de la deuxième édition de la Physique socialede Quételet[1], a pour objectif principal de combattre l’utilisation du calcul des probabilités dans l’étude des phénomènes sociaux et de dénoncer l’empirisme auquel cette utilisation conduit[2]. Le Chimiste-Philosophe est ainsi conduit à donner une définition (buts, méthodes, objets et limites rationnelles) et à déterminer la place de la statistique dans la science sociale[3], à montrer que les déviances et les critiques adressées actuellement à la statistique reposent sur une mauvaise définition de la statistique ainsi que sur l’usage du calcul des probabilités dans l’étude des phénomènes sociaux, à compléter et corriger les études de Comte sur la science sociale, et à fournir l’ébauche d’une méthodologie susceptible d’assurer une certaine scientificité positive à la statistique.

[1]         « Cette recherche, je me proposais de l’entreprendre ici à propos d’une question spéciale qui me préoccupe depuis longtemps, de la question de la constance du nombre des crimes et de l’utilité des peines, et j’ai été heureux de trouver une occasion favorable pour la commencer. J’ai devant moi un livre qui vient de paraître et qui est certainement l’œuvre la plus considérable du siècle dans cet ordre de travaux. Le célèbre directeur de l’Observatoire de Bruxelles, M. Quetelet, a passé quarante ans de sa vie à compulser des matériaux statistiques et à perfectionner les méthodes d’investigation de l’arithmétique sociale. Son dernier livre, qui n’est qu’une nouvelle édition « considérablement augmentée » pour me servir d’un terme consacré, d’un livre publié il y a trente-cinq ans, présente, dans sa forme actuelle, le résumé d’un demi-siècle de recherches et de méditations et, ne fût-ce qu’à ce seul titre, il mérite un sérieux examen. » (Wyrouboff (1870), p. 24)

[2]         « De toutes les parties du vaste domaine de la science sociale, la statistique est certainement celle qui a été la plus explorée. Cette manière d’étudier la société, en en réduisant tous les phénomènes à des chiffres et en soumettant les chiffres au calcul mathématique a été une réaction salutaire contre une creuse métaphysique qui avait fini par ériger en principe la nécessité de se passer de faits. Mais, comme il arrive toujours dans ces cas, la statistique a son tour, marchant sans méthode et sans but déterminé, se fourvoya complètement ; à force de s’élever contre l’abus du raisonnement, elle finit, sans s’en apercevoir, par tomber dans l’abus de l’observation. (…) Sans parler des objections de ceux qui ne veulent pas, par système, admettre la possibilité de l’existence de lois sociales fixes et déterminables, il est impossible de ne pas remarquer que la défiance à l’égard de ces recherches pour ainsi dire arithmétiques sur l’humanité, croît de plus en plus, même parmi ceux qui ne veulent pas d’autre science que la science expérimentale. Malheureusement, ces défiances sont fondées ; il n’est que trop certain que la statistique prête à tout instant le flanc aux plus justes critiques, et il n’est que trop vrai aussi que fort souvent les mêmes chiffres peuvent mener à deux conclusions diamétralement opposées, entre lesquelles il est difficile, sinon impossible, de faire son choix. (…) J’ai dit plus haut que la statistique rencontrait partout des défiances et des critiques si l’on veut remonter à leurs causes immédiates, on s’apercevra facilement qu’elles viennent de ce que les savants qui s’en occupent, veulent appliquer la méthode arithmétique à tous les phénomènes sociaux indistinctement, ; et cet abus tient exclusivement à l’absence d’une définition exacte de la science ; car il est évident que, si elle est « l’histoire en repos », elle est obligée de tout étudier ; et, comme elle n’a qu’un seul procédé d’étude à sa disposition, elle est forcée de l’appliquer toujours, sans s’inquiéter si les faits étudiés y conviennent. (…) Ceci nous amène tout naturellement à examiner la méthode employée par les statisticiens et qui est devenue de nos jours, aux yeux de la plupart des savants, une condition indispensable de toute bonne statistique. Cette méthode consiste dans l’application aux phénomène sociaux d’une branche des mathématiques qui est connue sous le nom de calcul des probabilités ou de calcul des chances, et dont le problème est de calculer l’erreur commise et la probabilité du retour d’un événement, étant donné un certain nombre d’observations. M. Comte, dans deux endroits du quatrième volume de son grand ouvrage, a condamné l’usage de cette méthode d’une manière absolue. (…) Je me range volontiers à cette opinion si nette et si précise, non cependant sans y faire quelques réserves et sans lui donner quelques développements qui me paraissent indispensables. (…) Il y a une raison directe qui nous fait rejeter absolument le calcul des chances du domaine de la physique sociale. (…) tant qu’on ne fera, comme M. Quetelet dans son livre, que des spéculations mathématiques ou géométriques sur la régularité ou la périodicité des phénomène sociaux, on aboutira forcément à un empirisme qui, pour être revêtu d’une apparence scientifique et suivi d’un cortège de formules mathématiques plus ou moins compliquées, n’en est pas moins grossier. » (Wyrouboff (1870)).

 

[3]         « La science sociale est composée de deux ordres de phénomènes, de phénomènes de repos et de phénomènes de mouvement, ou, pour me servir de l’expression technique, de phénomènes statiques et de phénomènes dynamiques, et que la statistique, qui ne peut par sa nature même s’occuper que des premiers, est une partie de la science et non pas la science tout entière. Il résulte de cette lacune dans l’appréciation des limites de la statistique, une tendance exagérée, souvent jusqu’au ridicule, de tout réduire en chiffres ; tendance très naturelle d’ailleurs, car tous les phénomènes sociaux, quels qu’ils soient, sont soumis à des lois précises. (…) Nous aurions ainsi à formuler une définition de la statistique (…) : la statistique est la partie de la statique sociale qui s’occupe des phénomènes susceptibles d’être exprimés en nombres.La statistique est donc une partie de la sociologie et de plus cette partie qui étudie la société en repos. La définition que je viens de donner peut sans doute être modifiée dans sa forme, un meilleur énoncé peut être trouvé ; mis ce qui me paraît important à conserver, c’est ce fait que la statistique ne peut pas s’occuper de tous les phénomènes statiques de la société. La statistique n’est pas une science à part, elle n’est qu’un chapitre particulier d’une science plus générale, de cette science à laquelle M. Comte a donné le nom de statique sociale, et qui n’est-elle-même qu’une partie de la physique sociale. Il pourrait sembler, au premier abord, que c’est là une discussion assez oiseuse, qu’en réalité il importe peu de savoir si la statistique est une science ou un fragment de science ; mais je l’ai déjà dit bien des fois et je ne cesserai de le répéter à ceux qui accusent la philosophie positive de trop s’occuper de la définition et de la classification des sciences, que ce problème est un de ceux qui influent le plus sur le développement des diverses branches du savoir humain. J’ai montré la désastreuse influence d’une fausse conception du caractère de la géologie sur la marche de cette science ; j’ai montré combien une vicieuse définition de la minéralogie avait contribué à arrêter les investigations de la physique des corps inorganiques ; il ne me sera pas difficile de montrer aujourd’hui, combien la statistique gagnera lorsque le but véritable et les limites rationnelles en seront convenablement appréciés. J’ai dit plus haut que la statistique rencontrait partout des défiances et des critiques si l’on veut remonter à leurs causes immédiates, on s’apercevra facilement qu’elles viennent de ce que les savants qui s’en occupent, veulent appliquer la méthode arithmétique à tous les phénomènes sociaux indistinctement, ; et cet abus tient exclusivement à l’absence d’une définition exacte de la science ; car il est évident que, si elle est « l’histoire en repos », elle est obligée de tout étudier ; et, comme elle n’a qu’un seul procédé d’étude à sa disposition, elle est forcée de l’appliquer toujours, sans s’inquiéter si les faits étudiés y conviennent. (…) Il y a donc, comme on voit, un intérêt considérable à déterminer, d’une manière précise, les limites de la statistique. » (Wyrouboff (1870), pp. 27-31)